Barnev Valsaint participait récemment au gala Célébration 2024. « Et il y avait des jeunes dans l’équipe qui se demandaient pourquoi le choriste de Céline chantait la chanson de Dubmatique », raconte en riant celui dont la voix de miel propulse bel et bien Soul pleureur, un des refrains les plus connus du hip-hop québécois, mais qui est aussi depuis 1999 le choriste étoile de la plus célèbre des Dion. Rencontre avec le concurrent de l’émission Zénith, pour qui toutes les musiques sont des musiques de l’âme.

Le père de Barnev Valsaint lui demandait souvent : « Comment t’as fait pour arriver là, comment t’as fait pour que Céline Dion veuille que tu chantes avec elle ? » Et que lui répondait son fils ? Un vaste sourire tendre irradie son visage. « Je lui répondais que c’est parce que je suis le meilleur », lance-t-il avant de s’esclaffer comme seuls les Haïtiens le savent.

Nos rires retombent et Barnev reprend avec beaucoup plus de sérieux. Ça deviendra rapidement très clair : il n’y a pas une once de vanité en lui. « Je ne sais pas si tu sais, mais pendant longtemps, les gens de ma communauté ne passaient pas à la télé », explique ce fils d’immigrants haïtiens arrivés à Montréal au milieu des années 1970, né pour sa part dans Saint-Michel, puis élevé à Pierrefonds.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Barnev Valsaint

Quand j’ai annoncé à mes parents que je partais en tournée avec Céline, non seulement ils ne me croyaient pas, mais ils me disaient : « Arrête de mentir ! »

Barnev Valsaint

Les gens de sa communauté ne passaient pas à la télé et son père chauffeur de taxi, le regretté Pierre Fébert, ne s’imaginait pas que son fils visiterait un jour la planète entière en compagnie d’une de ses plus immenses stars. D’où l’hébétude qui ne s’est jamais estompée de papa Valsaint, lui-même fervent mélomane, dont la collection de vinyles recelait beaucoup de gospel, mais aussi du Marvin Gaye, du Stevie Wonder et du Sam Cooke.

« Je parlais avec ma mère hier », dit le membre de l’équipe de la génération X, de la nouvelle saison de Zénith, « et elle avait encore reçu, toute la semaine, des appels de ses amies qui m’avaient vu à la télé et qui n’y croyaient pas ».

En 20 minutes

Ce n’est pourtant pas d’hier que Barnev Valsaint passe à la télé, lui dont le curriculum vitæ compte parmi les plus hétéroclites de la musique québécoise, et sur lequel figurent des collaborations avec des géants du rap keb comme Imposs, Dramatik ou Connaisseur Ticaso, ainsi que des duos avec trois de nos plus imposantes voix : celle de Céline Dion, bien sûr, mais aussi d’Isabelle Boulay (sur l’album Scènes d’amour en 2000) et de Ginette Reno, sur Comment aimer (1999), une ballade de son groupe NoDéjà enregistrée avec la grivoise légende.

On était tout jeunes et pas connus et on s’était dit : on ne va jamais avoir Ginette. Mais elle avait accepté notre invitation, elle nous avait apporté de la bouffe en studio et elle nous avait raconté des jokes, man, des jokes !

Barnev Valsaint

Un riche curriculum vitæ, donc, sur lequel apparaît, en haut de la page, Soul pleureur, l’élégiaque hit qui propulsera la carrière de Dubmatique et qui a procuré au hip-hop québécois, en 1997, son premier phénomène de masse.

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« On faisait déjà beaucoup de bruit dans l’underground avec NoDéjà et c’est pour ça que Disoul était venu me chercher », se remémore-t-il au sujet de ce poignant refrain parfait, inspiré par le meurtre d’un ami sur un terrain de basketball. « Il leur restait une chanson à finir pour l’album. Je suis allé faire un tour dans le sous-sol de DJ Choice et le hook est sorti en 20 minutes. »

La musique de l’âme

Barnev Valsaint n’avait jamais chanté avec Céline Dion, ni même répété avec son groupe, au moment de monter pour la première fois sur scène avec elle, au Centre Molson, en 1999. C’est Gregory Charles, son prédécesseur, qui lui avait suggéré de soumettre une audition filmée.

Le chanteur lançait presque au même moment ce qui demeurera le seul album de NoDéjà, trio R’n’B d’un genre que le Québec avait peu connu jusque-là, mais qu’il ne pourra promouvoir convenablement, compte tenu de son nouveau contrat avec la diva. Ce qui n’a pas empêché le vidéoclip de l’irrésistible Quelque chose about you de tourner abondamment à MusiquePlus. « Ça avait été un gros challenge d’écrire du R’n’B en français, observe-t-il, et c’est comme ça que Quelque chose about you, en franglais, était née. »

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La voix de Barnev, sculptée par plusieurs années de chorale à l’église, ne pouvait mieux servir le répertoire d’influence gospel de Céline Dion. Gospel : Barnev s’exprimera tout au long de l’entretien au « nous », comme s’il n’avait jamais oublié que si l’on chante peut-être dans l’espoir de sauver son âme, on chante surtout afin de partager avec sa communauté le cadeau que l’on a reçu et qui ne nous appartient que partiellement.

Et c’est ce que j’admire le plus chez Céline : elle respecte sa voix, elle en prend soin, parce qu’elle veut pouvoir encore l’offrir aux gens.

Barnev Valsaint

Le disque de NoDéjà demeure à ce jour ce qui, dans son cas, se rapproche le plus d’un disque solo, une situation à laquelle il promet de remédier en mars avec un premier album tout simplement estampillé Barnev, auquel il a enfin eu l’occasion de se consacrer, compte tenu des problèmes de santé de sa patronne.

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Et si son extrait inaugural, Le lendemain, pointe dans une direction plus électro-pop que gospel, les chansons de Barnev continueront d’être transportées par la conviction que la musique permet de s’élever. S’élever socialement, comme ce fut son cas, mais surtout spirituellement. « Ce n’est pas pour rien qu’on appelle ça de la soul music. »

Zénith, les jeudis à 20 h, sur ICI Télé