C’était soir de fête mardi à l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), qui soulignait le début de sa 90e année d’existence en même temps que son premier programme de l’hiver, comportant deux œuvres aussi rares que fascinantes.

Après avoir été accueillis par une mini-exposition sur l’histoire de la formation dans le foyer de la Maison symphonique, les spectateurs ont pu entendre le discours enthousiaste de la cheffe de la direction Madeleine Careau, qui, en présence de descendants de deux des fondateurs (Antonia Nantel et Athanase David), a révélé que 90 personnes retrouveraient sous leur fauteuil un cadeau (abonnements de saison, enregistrements, etc.), créant une joyeuse commotion dans la salle !

Le programme, lui, n’était pas nécessairement des plus festifs, avec le Concerto pour violon no 1, op. 35, de Szymanowski, et la Symphonie no 7 en mi mineur de Mahler, un des compositeurs fétiches du nouveau chef. Pas festif, mais éminemment passionnant, d’autant que les deux œuvres ne courent pas les rues, en particulier la symphonie, qui souffre d’un certain désamour du fait de son modernisme, pâlissant d’être placée entre la poignante Sixième et la monumentale Huitième.

Les deux partitions, composées à une dizaine d’années d’intervalle dans un idiome postromantique modernisant, ont en commun une même inspiration nocturne. Si la symphonie de Mahler est surnommée « Chant de la nuit » (elle comporte deux Nachtmusik, ou « musique de nuit »), le concerto s’inspire quant à lui d’un poème intitulé « La nuit de mai ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La violoniste Simone Lamsma

Pour Szymanowski, l’OSM a fait appel à la Néerlandaise Simone Lamsma, qui avait offert un mémorable Concerto no 1 de Bartók en pareille compagnie il y a deux ans. La musicienne sent décidément bien la musique du XXe siècle. Elle ne s’écoute pas jouer, mais raconte quelque chose au public, ce qui n’empêche pas les aigus (la partition est très généreuse en la matière) de son stradivarius de sonner avec une beauté de chaque instant, gracieuseté d’un vibrato on ne peut plus équilibré.

À l’orchestre, on retrouve tantôt le Rafael Payare du Sacre du printemps (septembre dernier) dans les passages rapides, bien caractérisés, tantôt celui d’Une vie de héros (printemps dernier) dans les épisodes plus romantiques (Szymanowski connaissait manifestement son Richard Strauss).

Et la Septième de Mahler ? On regrette que l’OSM n’ait pas placé ses micros comme pour Une vie de héros, dont l’enregistrement sort dans deux mois ! Car Payare nous offre, comme avec sa Turangalîla-Symphonie de décembre dernier, un produit extrêmement bien ficelé, avec un orchestre en très grande forme, notamment du côté des cuivres (quels cors dans le deuxième mouvement, sans parler du solo de saxhorn au début du premier mouvement !).

La Septième a beau ne pas être la symphonie la plus intéressante de Mahler (on ne se mentira pas), le chef en souligne tous les contours avec un soin du détail qui est loin d’exclure l’éloquence.

Seule réserve : le manque de souplesse, de folie dans les deux Nachtmusik (deuxième et quatrième mouvements), en particulier dans les passages volontairement grotesques insérés par Mahler. Payare pourrait ici s’amuser davantage. Idem dans la section marquée grazioso du finale. Mais ce ne sont que de menus détails concernant une interprétation de haut vol.

Ce mercredi à 19 h 30 et samedi à 14 h 30, à la Maison symphonique

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