Pendant sept mois, durant la pandémie, Olivier Langevin n’a pas touché du tout à sa guitare. À demain peut-être, sixième album de Galaxie lancé par surprise vendredi, est pourtant le meilleur du groupe depuis Tigre et diesel.

Tout le monde a parfois besoin d’un coup de pied au derrière. Avant d’amorcer la création d’À demain peut-être, Olivier Langevin marinait dans les miasmes de ses doutes. « Je ne savais pas comment m’enligner, je gossais, je trouvais que je n’avais pas de toune », explique-t-il, attablé dans un bar de Rosemont où il a ses habitudes, devant une Laurentide. « Puis Pierre [Fortin, batteur] m’a dit : Là, on va arrêter de niaiser, on va aller au studio, et au pire, ce ne sera pas bon et on ira prendre une bière après. »

Ils s’offriront bel et bien une mousse, non pas pour noyer leur déception, mais plutôt pour célébrer leur résurrection : cette séance initiale donnera Dolbeau, une des plus balaises tounes du nouveau Galaxie, le premier depuis 2018.

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Si vous apprenez seulement aujourd’hui qu’il existe un nouveau Galaxie, au moment où il paraît, c’est normal : Langevin n’en peut plus de la valse des extraits que des artistes lancent au compte-gouttes jusqu’à un an avant l’avènement de l’album complet, un modus operandi émoussant l’effet de surprise d’une série de chansons conçues pour être écoutées l’une à la suite de l’autre. « Je suis tanné des tounes qui sortent juste de même », dit-il, le visage fendu par un grand sourire taquin.

Galaxie est une des rares formations pouvant se permettre, grâce aux nombreux fidèles que compte le culte son du Lac, de ne pas précéder un nouvel album d’une interminable campagne promo. En 2002, le guitariste lançait sous le nom de Galaxie 500 le premier disque d’un groupe qui n’en était alors pas vraiment un, enregistré avec les moyens du bord pendant qu’il réalisait Papillons, de son éternelle amie et fée marraine, Mara Tremblay.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sur scène en juin 2016

« On avait un local juste pour faire du bruit, se souvient le natif de Saint-Félicien, ce n’était vraiment pas pour créer un album. Et à un moment donné, on s’est rendu compte qu’on avait des tounes, mais c’était encore abstrait. Je me disais : Si on en vend 200 et qu’on fait 10 shows, ça va être cool en astie. »

Faire 10 shows ? Cette grasse et généreuse tranche de distorsion deviendrait non seulement un classique du rock québécois, mais contraindrait Langevin à lutter contre sa gêne, sur le devant de la scène, partout en province, et plus qu’à 10 reprises. « Être sur un stage, avoir l’attention, encore aujourd’hui, c’est contre nature pour moi », dit celui qui, en spectacle, finit toujours par épouser une posture à moitié penchée, « comme si je voulais rentrer dans le plancher ».

« Mais je surpasse ma timidité, parce qu’il y a la musique, et la musique, j’en mange toujours, sans arrêt. »

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Quand ça explose de partout

De la musique, Olivier Langevin a quand même cessé d’en manger pendant sept mois durant lesquels il n’a pas touché à la guitare, le plus long entracte de sa vie depuis qu’un oncle lui a offert à 13 ans sa première Harmony assortie d’un ampli Peavy Rage, en espérant faire bourgeonner l’admiration de son neveu pour Hendrix.

« J’ai tripé ben raide, tout de suite », se rappelle celui dont les yeux redeviennent soudainement ceux d’un gamin. « Je n’arrêtais pas de jouer, tout le temps. » Puis, pendant la pandémie, grosse perte de désir pour sa six cordes.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Olivier Langevin

Le confinement, contrairement à d’autres, ç’a n’a pas été un grand élan de création.

Olivier Langevin

Compréhensible : la musique a toujours été chez lui une affaire magnifiquement grégaire. Depuis combien de temps déjà lui et Fred Fortin, qui tient la basse dans Galaxie, jouent-ils ensemble ? Olivier fouille dans sa mémoire, agite ses doigts. « C’est la première fois que je compte les années et my god ! Ça fait 28 ans. J’exagère pas. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Avec Fred Fortin en 2018

À la paire d’inséparables s’ajoutent dans Galaxie le batteur Pierre Fortin, que Langevin a rencontré alors qu’il réalisait un disque des Dales Hawerchuk, le claviériste extraordinaire François Lafontaine, « la première fois que je l’ai vu jouer avec Karkwa, j’hallucinais », et la chanteuse Karine Pion, qui incarne le contrepoids féminin indissociable du son Galaxie depuis Tigre et diesel (2011).

Après deux albums traversés par une cohésion thématique, l’amour du blues africain sur Zulu (2015) et la « sabouteuse » influence des Beastie Boys sur Super Lynx Deluxe (2018), Galaxie renoue sur À demain peut-être avec une forme de maximalisme tous azimuts, sans fil conducteur, de la lennonnienne Lune à la très ZZ Top Le spleen de Montréal, jusqu’à l’enivrante pièce-titre.

Pierre Fortin a beau reprocher à ses camarades d’abuser de l’onomatopée Hen ! dans un hilarant mémo vocal placé à la fin de la bien nommée HHHEEENNN ! ! !, dans l’univers de Galaxie, le mot « trop » reste inopérant. « J’aime ça quand il se passe plein d’affaires, confirme le leader. C’est le fun quand ça explose de partout. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Fortin, Fred Fortin et Olivier Langevin, alors avec Gros Méné, en 2012

Avant de repartir

L’intempérance sonore demeure donc un des principaux piliers de l’approche Galaxie, tout comme l’amitié, parce que ce titre, À demain peut-être, porte la trace d’une prise de conscience à laquelle Langevin, 45 ans, échappe de moins en moins : celle que les amplis peuvent s’éteindre à jamais, n’importe quand, sans avertissement. Pierre Fortin, qui accompagne aussi les Cowboys Fringants, en sait quelque chose.

« Mais le titre n’est pas juste dark, il est à 90 % drôle. » Olivier raconte. « Pierre et moi, on avait eu une grosse soirée. Et on savait qu’on tapait le lendemain. Quand Pierre est parti, en mettant son manteau, il m’a dit : “À demain.” J’ai vu nos états et je lui ai répondu : “Peut-être.” » Il éclate de rire. « Et finalement, on n’a pas été capables de taper le lendemain. Faque c’est ça, le titre : c’est un Inch’Allah, un si Dieu le veut. »

Si Dieu le veut, Galaxie reprendra bientôt la route. « Quand je suis à la maison, il y a toujours un moment où je commence à feeler space, confie le musicien, jusqu’à ce que je comprenne que ce qu’il faut que je fasse, c’est repartir. » Profiter de tous les voyages, parce qu’on sait trop bien qu’il y en aura un jour un dernier.

Olivier Langevin finit sa pinte et s’en commande une autre.

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