Les retrouvailles au bercail
« Je déteste jouer à la maison. »
Nous sommes mercredi, la veille du premier des quatre concerts que s’apprête à donner Patrick Watson à Montréal. Dans une loge du sous-sol du MTELUS, le chanteur témoigne, avec sa franchise habituelle, de l’inconfort qu’il ressent à la perspective de faire face à 2300 personnes le lendemain soir. Un tour de chant qu’il compare au fait de jouer un récital devant sa mère.
Au sourire qu’il affiche, on se doute qu’il s’agit d’une façon de parler. Son enthousiasme durant les deux jours de préparatifs nous le confirmera. Mais on comprend aussi qu’un spectacle à la maison, ce n’est pas comme partout ailleurs.
Je suis toujours gêné ici. Quand je ne connais pas les gens dans la salle, je peux faire n’importe quoi et me laisser aller, je m’en fous ! Quand je fais n’importe quoi et que la gardienne de mon fils est là, c’est pas pareil.
Patrick Watson
Les deux journées de préparatifs qui l’attendent sont bien remplies. La quantité de détails à régler pour qu’un spectacle de Patrick Watson se déroule comme prévu est impressionnante, du montage des projecteurs vidéo à l’accordage du piano. C’est un spectacle « intime », mais il a quelque chose de grandiose.
L’artiste n’aime pas particulièrement jouer devant de très grandes foules. Quand le spectateur le plus éloigné est trop loin, les détails se perdent, tous les gestes doivent être amples, nous dit-il. Et parce qu’il porte une attention toute particulière au moindre élément qui forme son spectacle, il tient mordicus à cette intimité. Le MTELUS est l’endroit idéal pour le spectacle qu’il a imaginé pour Montréal, croit-il.
Même si Patrick Watson a gardé bien en vie son lien avec sa ville — on l’a aperçu ces dernières années dans un concert impromptu dans un parc rosemontois ou lors d’une performance intime au beau milieu d’un bois —, cette série de spectacles marque son premier MTELUS en cinq ans.
Depuis la sortie de son plus récent album, Better in the Shade (2022), Patrick Watson s’est arrêté à quelques endroits au Québec, mais pas à Montréal. « Ça me tentait de sortir de Montréal, explique-t-il. Après la pandémie, les choses ont recommencé beaucoup plus vite ailleurs dans le monde. Et c’est important, avec une carrière internationale, de travailler pour la garder, en y retournant souvent. »
Le spectacle
Quelques instants avant de monter sur scène, Patrick Watson est de plus en plus concentré, mais encore accessible. Comme souvent ces deux derniers jours, il discute avec le gardien de la porte des coulisses, l’un de ceux qui font que le MTELUS est un endroit agréable où jouer. « Les meilleures salles dans le monde sont celles qui ont le meilleur staff », dit-il. On comprend l’ambiance de « band pas stressé » qu’il nous décrivait la veille. On ne sent pas vraiment que plus de 2000 personnes l’attendent juste à côté.
Il monte sur scène très vite après la première partie, qu’il a regardée depuis le côté jardin. Il prend le temps de s’installer, camouflé derrière le rideau, avant le début, très théâtral, du spectacle.
Année après année, l’accueil qui est réservé à l’artiste est particulièrement passionné, on le reçoit en héros. La foule du MTELUS est plus attentive que jamais. Cette proximité à laquelle l’artiste tenait est bel et bien présente. Centrale à la performance, même.
Parce qu’il reste encore deux concerts à l’horaire, nous n’irons pas dans les détails de ce que nous avons vu et entendu jeudi soir. Disons seulement que le choix des chansons a de quoi ravir, que leur interprétation est merveilleuse. Que le décor est de toute beauté et que les éclairages, comme les projections, sont le résultat d’un travail exceptionnel.
Il nous l’avait dit, il a parsemé sa performance de surprises. Pour les deux soirées finales, même l’auteure de ces lignes n’a pu apprendre ce qui attend le public. Jeudi, la première partie était assurée par Lisa LeBlanc, puissante et touchante. Vers la fin de la prestation de Patrick Watson, elle remonte sur scène pour chanter en duo une des plus belles pièces du répertoire du chanteur. Le moment est saisissant.
Quelques heures plus tôt, on assistait à la préparation de ce bel interlude. Sur un coup de tête, Patrick Watson avait décidé qu’il voulait que Lisa soit face à lui, plutôt qu’à côté, pour qu’ils puissent se regarder et vivre le moment ensemble. Il l’avait alors intimée de ne penser qu’à s’amuser quand ils allaient jouer devant le public. À ses yeux, c’est tout ce qui compte vraiment. Le moment venu, c’est ce qui a semblé se passer, comme tout au long de la soirée. Patrick Watson est un magicien.
D’autres concerts en novembre
Les spectacles que Patrick Watson présentera avec l’Orchestre FILMharmonique en novembre prochain, à la Maison Symphonique, n’auront rien à voir avec ce qu’il présente sur scène ces jours-ci. Pour Patrick Watson, certaines de ses chansons prennent toute l’ampleur qu’elles méritent avec un orchestre. « Beijing, par exemple, avec un arrangement pour orchestre, ça devient… » Sans terminer sa phrase, il fait de grands gestes pour illustrer le grandiose qu’il imagine.