L’Orchestre Métropolitain — et son chef Yannick Nézet-Séguin, de retour à la barre de la formation après bientôt deux mois — donnait samedi après-midi son deuxième programme de l’année. Un concert d’une grande ferveur proposant des œuvres fascinantes.

On connaît la passion du chef montréalais pour le travail des compositrices. Après Florence Price et Louise Farrenc, c’était au tour d’Amy Beach (Cheney étant son patronyme de naissance) d’être sous les projecteurs de la Maison symphonique.

Née à New York en 1867, Beach est la première compositrice états-unienne à atteindre la notoriété. À l’origine de plus de 150 opus, la musicienne s’est fait connaître de par le monde, notamment par des tournées européennes, qu’elle ne put cependant réaliser du vivant de son mari, qui ne lui permettait de donner qu’un concert par année !

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Le chœur accompagnant l’OM samedi soir, à la Maison symphonique

Sa Symphonie en mi mineur, dite « Gaélique », op. 32, créée en 1897, a été jouée des dizaines de fois de son vivant. C’est après sa création qu’un éminent collègue bostonien a écrit à la compositrice qu’elle était désormais one of the boys !

L’œuvre, jouée samedi par l’OM, montre un métier très sûr (même si Beach était essentiellement une autodidacte) et une inspiration qui, si elle ne la hisse évidemment pas au même niveau que Brahms ou encore Dvořák, dont elle s’inspire manifestement, nous valent des climats bien définis et des thèmes d’une beauté certaine.

Le premier mouvement, commençant avec un frémissement chromatique quasi sibélien aux cordes, de même que le suivant, une délicate sicilienne en sol majeur, en sont de parfaits exemples, tandis que le troisième, un largo, non a semblé tourner davantage en rond.

Quoi qu’il en soit, Yannick Nézet-Séguin nous en livre une interprétation aussi enflammée qu’équilibrée. Espérons qu’il élargira prochainement (ici ou à Philadelphie) la discographie de l’œuvre, pour le moment rachitique.

Une expérience marquante

Le Métropolitain n’en avait pas fini avec les grandes compositrices, nous réservant le bouleversant Psaume 130 : Du fond de l’abîme, de Lili Boulanger, après l’entracte. Morte à 24 ans, la musicienne a terminé ce psaume, dédié « à [son] cher papa », à peine quelques mois avant sa disparition.

Si l’orchestre n’a pas failli à la tâche, dépeignant avec maestria la tension de l’introduction (magnifique solo de tuba, qui sonnait comme une contrebasse !), le français de la mezzo-soprano soliste Karen Cargill laissait davantage à désirer, tout comme le choix de certains solistes dans le chœur. Entendre cette œuvre fulgurante reste néanmoins une expérience marquante.

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La soprano Janai Brugger

L’après-midi se terminait avec le Gloria de Poulenc, qui a cette fois donné à entendre la voix rafraîchissante de la soprano états-unienne Janai Brugger, ronde et superbement timbrée. Le chœur — en particulier les pianos des sopranos dans l’aigu — y est toutefois apparu plus inconstant en matière d’intonation.

Yannick Nézet-Séguin souligne pour sa part la modernité de la partition, la rapprochant en quelque sorte de Stravinski par des accents bien marqués. Si le Laudamus te et le Domine Fili unigenite auraient à notre avis gagné à être un peu plus rapides (Poulenc marque pour les deux « très vite et joyeux »), le Domine Deus, Agnus Dei » (« très lent ») aurait pu être plus intérieur.