Du feu dans les lilas, c’est beaucoup plus que le titre du troisième album de Beyries chantant les textes du comédien Maxime Le Flaguais. C’est une histoire d’amitié, de confiance et d’abandon, qui se reflète dans la profondeur et la vérité du résultat.

Dans cette collaboration unique, Amélie Beyries s’est départie pour la première fois de sa carrière de son rôle d’autrice. Pourtant, elle a l’impression de s’y dévoiler plus que jamais.

« Avant, je me suis beaucoup cachée, je chantais en anglais… et ça m’arrangeait ! Quand on a commencé à répéter, je me suis dit : OK, man, c’est du stock. Il va falloir que je sois all in. Pas que je ne l’étais pas avant, mais il y a vraiment quelque chose de très sincère et intime. »

Amélie à la composition et à l’interprétation, Maxime à l’écriture : le résumé est vrai, mais simpliste, puisque leur travail est beaucoup plus lié, comme si, à deux, ils formaient une seule personne.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Beyries et Maxime Le Flaguais sont des amis depuis l’adolescence.

« On est devenus comme un monstre à deux têtes ! », s’exclame Maxime Le Flaguais lors d’une entrevue commune où les deux amis, qui se connaissent depuis l’adolescence, racontent souvenirs et anecdotes, et laissent entrevoir une admiration mutuelle.

Une bien belle bête quand même, mais l’image fonctionne. Par exemple, même si tous les textes sont signés par Maxime, la chanteuse a été impliquée dans le processus d’écriture d’un bout à l’autre.

Je vais chercher l’inspiration dans des poèmes que j’ai écrits, mais la poésie, ce n’est pas de la chanson. Je dois les adapter, les métamorphoser, et je ne fais pas ça sans Amélie. On part d’un fragment, d’une strophe, et si quelque chose l’allume, je vais développer.

Maxime Le Flaguais

Chaque chanson est ainsi le résultat de nombreuses marches et discussions, pour que les propos très personnels de Maxime deviennent aussi ceux de Beyries, et qu’elle y accole ses mélodies caressantes. Ces « échanges fertiles » nourrissent autant l’auteur que la compositrice.

« Et l’interprète aussi ! ajoute Beyries. S’il y a une chose que je suis sur cet album, c’est ça. Il y a même deux chansons que je n’ai pas composées, comme Derrière le jour, [dans laquelle] je me retrouve simple interprète. Ce qui est assez rare pour moi. »

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PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Beyries au Festival de Jazz de Montréal, en septembre 2021

Il lui aura fallu pour cela un immense lâcher-prise, car encore là, leur travail a été complètement imbriqué. Comme la majorité des auteurs, Maxime Le Flaguais aurait pu laisser les textes entre les mains de la chanteuse et se retirer. Le comédien est plutôt devenu un genre de metteur en scène lui donnant des indications très précises d’interprétation.

Ça m’a vraiment challengée. Je me souviens d’un souper où je lui disais : ben là, t’es vraiment en train de me dire comment chanter ?

Beyries

Ensemble, ils ont trouvé l’équilibre entre une direction d’acteur rigoureuse et son instinct de chanteuse. « J’avais envie de les interpréter au meilleur, sans me dénaturer. Je pense que ce qu’on entend sur l’album, c’est le soin qu’on y a mis. »

Pour arriver à créer ainsi en équipe et dans l’harmonie, il fallait laisser les ego au vestiaire, croit Beyries, qui avait déjà chanté des textes de Maxime Le Flaguais sur ses deux premiers albums, dont J’aurai cent ans, qui a connu un immense succès.

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« Comme on se connaît depuis vraiment longtemps, on a une confiance que peu de gens ont », dit Beyries, qui précise d’ailleurs qu’elle n’écrit « avec personne d’autre ». Son ami en est fort conscient. « J’ai été super chanceux qu’elle soit moins à l’aise d’écrire en français. Ça m’a ouvert une porte que je n’aurais jamais eue de ma vie ! » Même celle du studio, où il a pu participer à toutes les séances d’enregistrement.

Éloge de la lenteur

Du feu dans les lilas parle d’amour, de désir, de consolation, de la préciosité du temps. « C’est un peu une courtepointe », explique Beyries. Chaque chanson a son histoire : certaines se sont écrites sur des années, d’autres en une seule journée, autour de thèmes établis entre eux.

Il y a eu aussi des surprises, comme lorsque le père de Maxime, le comédien Michel Côté, qui était en traitement à l’hôpital, a déniché en faisant le ménage de ses courriels un texte de son fils écrit il y a neuf ans…

« Quand il nous l’a envoyé, j’essayais justement d’écrire une chanson sur la mort, mais je n’étais pas capable d’aller là. Tout ce qui sortait était cliché. Mais j’avais été capable neuf ans plus tôt, je ne sais même pas pourquoi ! C’était prophétique comme texte. »

Le phare, qui clôt l’album, est une chanson bouleversante qui atteint directement le plexus, particulièrement quand les chœurs se joignent à la voix consolante de Beyries. « Ah oui, hein ? On avait l’idée de la chorale tous les deux », dit Maxime, qui n’en revient pas encore de cet immense cadeau que lui a fait son père.

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Les deux artistes se sont bien entendus quant à la direction musicale à prendre, avec à leurs côtés une équipe d’une grande sensibilité : Joseph Marchand à la guitare, le Français Albin de la Simone aux claviers, Robbie Kuster (Patrick Watson) à la batterie.

Le résultat est d’une lenteur quasi spirituelle et très assumée, qui reflète leur rythme intérieur à tous les deux, assure Maxime Le Flaguais. « On ne fait pas du punk ! Je l’ai été à 15-16 ans, je n’ai plus l’énergie pour ça. »

« Tous les deux, on aime la joie de la contemplation », dit Beyries, qui a « besoin » de lenteur dans sa vie. « Plus je ralentis, plus je suis heureuse. »

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Mais ce qu’elle recherchait surtout comme fil rouge, c’était l’intimité, la douceur et la sincérité, autant dans les paroles que dans l’emballage musical dépouillé. Soulevées par les arrangements de cordes, délicatement accompagnées par le piano et les synthés d’Albin de la Simone, l’intériorité relevée par la harpe d’Éveline Grégoire-Rousseau ou le doudouk d’Hraïr Hratchian, les chansons laissent toute la place à la voix, incroyablement présente et sans filtre, de Beyries.

On assume qu’on a fait un disque de chansons classique, qui met le texte en avant. C’est la façon dont on a construit l’album : le texte, l’interprétation, puis la musique.

Beyries

Dans un tel dénuement, chaque mot pèse de tout son poids. Beyries raconte, amusée, qu’auparavant, elle ne se préoccupait pas beaucoup que l’on comprenne ou non ce qu’elle disait dans ses chansons. « Mais pour Max, le sens est important ! » C’est donc une autre couche de protection qu’elle a dû enlever. « Ç’a été un exercice d’être très exposée. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Maxime Le Flaguais et Beyries

Maxime Le Flaguais est impressionné par l’abandon dont a su faire preuve son amie. Habitué à être devant la caméra, le comédien admet qu’il a dû lui aussi faire preuve de lâcher-prise. « Je suis davantage dans l’ombre, mais elle a la générosité de me donner un peu de lumière », dit-il, affirmant qu’il ne peut être plus heureux. « J’ai souvent dit que j’étais plus fier de J’aurai cent ans que de mes six saisons des Belles histoires. Alors, imagine un album complet ! »

C’est évident, ce n’est pas leur dernière collaboration. « On a plein d’affaires à explorer encore ! », dit Beyries, qui reprendra bientôt la route avec ses nouvelles chansons.

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Que souhaite-t-elle à cet album ? « J’aime les œuvres qui font réfléchir. Il y a tellement de musique qui sort, dans cette autoroute d’intensité et de rapidité. Ce bel être a besoin d’un espace doux pour vivre, et c’est ce que je lui souhaite. »

Du feu dans les lilas

Chanson

Du feu dans les lilas

Beyries

Audiogram