Même si son impitoyable trio (Jon Spencer Blues Explosion) est officiellement dissous, Jon Spencer n’a pas tourné le dos au rock’n’roll. À bientôt 60 ans, le chanteur et guitariste new-yorkais continue à offrir des performances endiablées, comme si sa vie en dépendait. De retour à Montréal pour le festival Taverne Tour, il s’est prêté au jeu de La Presse : entre deux mots, en choisir un. Et expliquer pourquoi.

La Presse : Elvis Presley ou Elvis Costello ?

Jon Spencer : Elvis Presley. Je préfère ses chansons. C’est une figure tragique et intéressante. Un sacré chanteur et tout un showman. Il a été une influence pour moi, mais pas la seule. Il y a plein d’autres chanteurs rockabilly qui m’ont fait forte impression. Jerry Lee Lewis. Charlie Feathers… J’ai grandi en Nouvelle-Angleterre dans les années 1970. Le rock de cette époque était juste affreux. Ça a été super pour moi de découvrir le rock des années 1950, parce que je trouvais ça beaucoup plus excitant. C’était une super période pour la musique.

Gibson ou Fender ?

Ni l’une ni l’autre… Il y a quelques années, j’aurais répondu Zimgar. C’est une marque japonaise, la guitare du Blues Explosion. J’ai toujours préféré ce qu’on pourrait appeler les guitares bon marché. Elles ont du caractère et peuvent avoir un super son. La Zimgar avait un son fantastique. Elle a vraiment défini ma part dans le Blues Explosion. Elle avait des pickups incroyables. Beaucoup de drive. Pas besoin de pédales. Je n’avais que la guitare et un ampli. En ce moment, je joue sur une Silvertone des années 1960. Je deviens un peu plus fancy

Scène ou studio ?

Les deux sont super, mais je pense que je vais choisir la scène… Pour moi ça remplit un besoin. J’aime faire un album. Mais la scène… si ça se passe bien, si c’est un bon concert, ça peut être une expérience quasi religieuse. Comme sortir de son corps ! Ce n’est pas que moi et mon groupe. Ce sont tous les gens qui sont dans cette salle. C’est un truc collectif.

Vinyle ou diffusion en continu ?

Vinyle. J’aime les disques. Ce sont des objets très cool. J’aime avoir quelque chose que je peux tenir dans mes mains. Le regarder. Le retourner. En ce moment, j’écoute beaucoup de Charlie Rich. Il est plus connu pour ses succès country des années 1970. Mais ma période préférée, c’est le milieu des années 1960, quand il faisait des disques de rythm’n’blues. C’était un pianiste, un chanteur fantastique, un peu jazzy. J’y reviens régulièrement…

Drogue ou alcool ?

Pardonne-moi, mais je pense que c’est un cliché d’associer ça à la culture rock. L’alcool et la dope ne sont pas exclusifs au rock’n’roll. Dans n’importe quelle forme d’art, les gens consomment pour planer. Cela dit, si je devais choisir, ce serait l’alcool. J’aime bien prendre un verre avant un concert. Ça peut m’aider à m’approcher de ce que je dois atteindre. Ça peut aider un concert. Mais ce n’est pas ça qui fait un bon show. Ce n’est pas si important. C’est un truc social. Ça rend les rapports plus faciles.

Gloire ou argent ?

Je suppose que je dois choisir la gloire, parce que je n’ai certainement pas l’argent ! [Rires]

Blues explosion ou groupe implosion ?

Ce n’est pas super de vivre une rupture. Avec le Blues Explosion, Russel Simmins, Judah Bauer et moi, on a été chanceux de se trouver. On a été chanceux de faire de la musique ensemble. C’était une question de chimie [le trio s’est officiellement séparé en 2022, à cause des problèmes de santé de Judah Bauer]. Après le Blues Explosion, j’ai travaillé avec les Hitmakers, mais des membres du groupe étaient trop occupés avec d’autres projets. À Montréal je jouerai avec une nouvelle section rythmique, Macky Bowman [batterie] et Kendall Wind [basse]. Je les ai connus quand ils jouaient avec les Bobby Lees. C’est un trio, mais différent du Blues Explosion. Cette fois, il y a une basse. C’est puissant. On revisite les chansons de Pussy Galore, des Hitmakers et du Blues Explosion. Éventuellement, on écrira nos propres morceaux.

Énergie ou expérience ?

Personne ne peut faire autrement que de vieillir. Personnellement je ne tiens pas à revivre mes années de jeunesse. Je n’étais pas une personne très heureuse. J’étais nerveux, je ne savais pas très bien communiquer. Ce que je sais, c’est que c’est possible de jouer du rock’n’roll même quand on vieillit. J’ai eu la chance de jouer avec des aînés, des gens comme R. L. Burnside et Andre Williams. Ils sont la preuve que tu peux vieillir et continuer à produire des sons intéressants. Mon nouveau groupe est très énergique. Et je ne suis pas encore prêt pour la chaise berçante.

Joe Biden ou Donald Trump ?

Joe Biden. J’ai déjà écrit des chansons à teneur politique, comme Junkman, sur le dernier album des Hitmakers. Mais je ne suis pas un grand fan de politique dans le rock. Parce que c’est souvent trop spécifique. Si tu écris sur les mineurs en grève du pays de Galles, ce n’est pas une chanson à laquelle les gens vont universellement s’identifier. Si tu écris sur le fait que tu es tellement en amour que tu ne peux supporter d’être sans l’autre, c’est quelque chose que tout le monde va comprendre. Le rock’n’roll est une très belle et étrange forme d’art. Je ne sais pas si c’est une force politique. Mais on peut légitimement dire qu’il a changé le monde.

Jon Spencer à La Tulipe, vendredi 9 février, 20 h. Première partie : Population II.

Le Taverne Tour

Le Taverne Tour, c’est 60 concerts de rock dans 20 salles de spectacle situées dans le Mile End et sur le Plateau Mont-Royal. Des tavernes, mais aussi des petites salles, des plus grosses et même des magasins de disques présenteront des artistes venus du Québec, de New York et de Toronto. Les suggestions de Philippe Larocque, coprogrammateur de l’évènement.

All Hands_Make Light

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All Hands_Make Light

Duo noise expérimental composé d’anciens membres de Godspeed You ! Black Emperor (Efrim Manuel Menuck) et de Broken Social Scene (Ariel Engle). Mélancolique et prenant. « De la musique introspective, assez profonde, lumineuse, dans l’esprit Godspeed, résume Philippe Larocque. Ça représente bien notre époque. »

All Hands_Make Light, jeudi 8 février 20 h, La Sala Rossa. Avec Yonatan Gat et Ben Shemie.

Laurence-Anne

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Laurence-Anne

Rythmes synthétiques, mélodies planantes, paysages soniques. Laurence-Anne vient défendre sur scène son plus récent album, Oniromancie. « De la dream pop éthérée, dans la mouvance Feist et Cocteau Twins, souligne Philippe Larocque. Et un bon exemple de chanson franco-anglo qui réunit les deux scènes, une des missions du Taverne Tour. »

Laurence-Anne, jeudi 8 février, 20 h, L’Escogriffe. Avec Sun Entire.

Deli Girls

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Deli Girls

Punk hardcore industriel de Brooklyn, mené par Danny Orlowski. Politiquement engagé tendance « pro-queer et pro-freak », dixit certains sites spécialisés. Bon buzz. Potentiellement une expérience.

Deli Girls, jeudi 8 février, 21 h, au Ministère. Avec Slash Feed et Alix Fernz.