I Musici proposait jeudi soir d’entendre la « grande Marie-Nicole Lemieux », ainsi que l’ensemble avait intitulé le programme, entièrement consacré à Bach. Une soirée où la contralto a généralement été à la hauteur de sa réputation.

Comme il le fait à chaque étape de cette 40e saison d’I Musici, le chef Jean-François Rivest a invité un des membres de l’orchestre à présenter le concert. Ce fut l’occasion pour l’unique contrebassiste de la formation, Yannick Chênevert, de parler, de manière très touchante, de sa relation avec cet orchestre qu’il avait entendu pour la première fois durant ses études secondaires. Une belle manière de rappeler l’importance de la médiation musicale pour assurer la suite du monde.

La toujours pétulante Marie-Nicole Lemieux est apparue pour sa part sous un autre jour, tout en dignité et en gravité pour aborder les trois cantates au programme, dans l’ordre la no 82 (Ich habe genug), la no 54 (Widerstehe doch der Sünde) et la no 170 (Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust).

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Marie-Nicole Lemieux

Car les textes mis en musique par Bach n’ont rien de jojo, lui qui met en musique des phrases comme « Je me réjouis de ma mort », « Je suis las de vivre plus longtemps » ou « Avoir honte de la gloire de Dieu conduit à la mort » !

Si la voix de la chanteuse a mis quelque temps à trouver ses aises (c’est tout à fait normal), elle a néanmoins continué de manquer de rondeur par moments, une conséquence manifeste de l’engagement dramatique de l’artiste, un élément qui, s’il reste une précieuse « marque de commerce » de la contralto, pourrait tout de même laisser place à davantage de « fruité » dans le timbre.

L’allemand de Marie-Nicole Lemieux, s’il reste un peu pointu sur certaines voyelles (un trait typiquement francophone), a cependant le grand mérite de bien rebondir sur les consonnes, ce qui est loin d’être donné à tout le monde.

Son Erbarme dich, de la Passion selon saint Matthieu, donné en rappel sans partition, fut tout simplement transcendant.

Il n’y avait cependant pas que la contralto au programme de cette soirée d’I Musici. Jean-François Rivest a eu la bonne idée d’insérer, en seconde partie, entre les cantates nos 54 et 170, le mouvement lent du Concerto brandebourgeois no 6, qui, par sa tonalité et son caractère, a habilement dressé la table pour la douceur du premier air de la dernière cantate en permettant de surcroît d’entendre en solo les altistes Thierry Lavoie-Ladouceur et Elvira Misbakhova.

Le Concerto pour violon en mi majeur, BWV 1042, qui ouvrait le concert avec Dominic Guilbault comme soliste, ne fut pas le sommet de la soirée. Aucun musicien d’orchestre généralement relégué à un certain anonymat ne peut exceller lorsque les projecteurs sont subitement braqués sur lui.

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L’ensemble I Musici, dirigé par Jean-François Rivest

On ne peut sinon que louer la direction précise et imaginative de Jean-François Rivest, qui a choisi chaque fois des tempos bien adaptés au caractère des différentes pièces.

Trouver la bonne vitesse pour le très long Schlummert ein, ihr matten Augen (dans la cantate no 82) relève de la gageure, mais le chef est parvenu au bon équilibre permettant d’avancer sans rien perdre de la sérénité inhérente au morceau.