Revenue de son Brésil natal, où elle a passé l’essentiel des 15 dernières années, Mônica Freire donne un nouveau sens à sa musique métissée. Ilhada, son premier album depuis 2008, est empreint d’une douceur familière et de riches sonorités orientales jamais entendues dans son univers.

Il y a près de 25 ans, des habitués du Cabaret des refrains, déclinaison scénique d’une émission de radio animée par Monique Giroux intitulée Les refrains d’abord, ont pu découvrir la jolie voix de Mônica Freire. La chanteuse et musicienne d’origine brésilienne y avait repris Les eaux de Mars, en français et en portugais.

Son chant presque moelleux, son bel accent brésilien et le sourire qu’on entendait dans son interprétation avaient tout pour séduire l’oreille. Son charme s’est déployé davantage encore sur ses deux disques du début des années 2000 où elle a mêlé ses racines brésiliennes à des bidouillages électroniques (Bahiatronica, 2005) ou à des traits notamment empruntés au reggae et à la musique indienne (Na Laje, 2008).

Où en est cette grande voyageuse en 2024 ? De retour au Québec, d’abord. Revenue d’un long séjour au Brésil au cours duquel elle a contribué à la mobilisation des femmes dans la musique et approfondi sa connaissance de son héritage musical. « J’avais quitté le Brésil à l’âge de 17 ans, rappelle-t-elle. Ma connaissance de la musique brésilienne s’arrêtait là. J’avais besoin de la comprendre mieux. »

Racines multiples

Redécouvrir ses racines musicales revient à mieux se connaître, pour Mônica Freire, que les identités intéressent depuis toujours.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Mônica Freire

Pour une personne métisse du Brésil [comme moi], le fait d’avoir des origines multiples rend très difficile le développement d’un sentiment d’appartenance.

Mônica Freire

Sa quête identitaire s’est longtemps traduite par un intérêt pour les tambours afro-brésiliens et pour les cultures autochtones, son père étant issu d’un tel mélange.

Les percussions afro-brésiliennes demeurent omniprésentes sur Ilhada, son premier album en plus de 15 ans. Ses nouvelles chansons rayonnent toutefois bien loin au-delà de l’habituel métissage sonore caractéristique du plus grand pays d’Amérique latine. Suivant le fil de sa lignée maternelle, Mônica Freire explore en effet pour la première fois en musique son bagage familial syrien et libanais.

« Il y a beaucoup de commerçants du Proche-Orient qui venaient à Itabuna, la ville où j’ai grandi, au sud de Salvador de Bahia, à la fin du XIXsiècle. Le croisement avec la culture orientale n’a pas commencé là, au Brésil, mais il est resté des traces, plus dans la nourriture que dans la musique. On en trouve des influences, surtout dans les chants. »

Une symphonie de timbres

Les sons orientaux ne sont pas discrets sur Ilhada. Plusieurs chansons mettent de l’avant ceux de l’oud (touché par Nazih Borish ou Ayham Abou Ammar) et du kanun, instrument à cordes pincées présent du Levant jusqu’en Iran qui sonne parfois comme une harpe, joué ici par Didem Baçar. Les oreilles fines reconnaîtront aussi le son de la derbouka (tambour d’Afrique du Nord), du balafon (xylophone mandingue en bois) et découvriront celui du ney, flûte datant du temps des pyramides.

Mônica Freire insiste d’ailleurs sur l’apport crucial de chacun des musiciens qu’on entend sur son album dans le processus de création.

On a laissé beaucoup de place à l’improvisation, dit-elle. Plutôt que de forcer les mélanges, on laissait de l’espace pour que chaque instrument puisse s’exprimer de manière assez libre.

Mônica Freire

Ilhada s’avère ainsi une symphonie de timbres pour la plupart acoustiques (Jean Massicotte, coréalisateur du disque, ajoute un peu de lutherie électronique) où les mélanges coulent de source. L’ensemble est riche, jamais surchargé et fait voyager un peu partout (Turquie, Brésil, Maghreb, Afrique subsaharienne), sans donner une impression d’éparpillement.

Extrait d’Areia, de Mônica Freire
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Il y a aussi un peu du Québec dans l’île de Mônica Freire. En plus d’avoir été enregistré ici avec des musiciens d’ici, Ilhada compte plusieurs chansons où la chanteuse et musicienne passe du portugais au français. Il y en a aussi une toute en français, Nana, signée Pierre Flynn, dont elle avait repris Ma petite guerrière, en version bilingue, sur son disque Bahiatronica.

Mônica Freire se sent ancrée à Montréal, la ville où elle a été le plus heureuse dans sa vie et où elle dit retrouver une paix intérieure. Elle a toutefois la bougeotte et espère tourner beaucoup avec son groupe multiculturel. Première escale : le 20 mars, au Lion d’or, pour un concert gratuit, mais pour lequel il faut réserver ses places.

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Ilhada

Musique brésilienne métissée

Ilhada

Mônica Freire

Mônica Freire / Audiogram