L’Orchestre symphonique de Montréal retrouvait, mercredi et jeudi, pour la deuxième semaine d’affilée, la soprano Barbara Hannigan, quoique cette fois-ci sur un mode « mineur ». Car c’est Bruckner qui était la vraie vedette de ce programme dirigé par Rafael Payare avec un bonheur variable.

Les vivats étaient unanimes après la rencontre Hannigan-OSM de la semaine passée, qui a vu la chanteuse canadienne diriger l’orchestre et chanter (oui, en même temps !) dans le court opéra pour soprano solo La voix humaine de Poulenc, une prestation magnifiée par des caméras en direct.

Mme Hannigan a cette fois laissé le podium au directeur musical de l’OSM pour le cycle de mélodies avec orchestre In the half-light de l’Albertaine Zosha Di Castri. Cette dernière, à 39 ans, s’impose déjà avec force dans le paysage musical, recevant des commandes toujours plus prestigieuses.

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Barbara Hannigan, Zosha Di Castri et Rafael Payare

Le cycle entendu cette semaine, sur un texte original de Tash Aw, a été créé il y a deux ans par l’Orchestre symphonique de Toronto, son chef Gustavo Gimeno et Barbara Hannigan. D’une vingtaine de minutes, il déploie une écriture très dissonante où percent çà et là des oasis de tonalité. On a davantage l’impression d’une profonde obscurité que d’une « mi-lumière ».

L’orchestre, qui fait bon usage des percussions (cinq musiciens s’y consacrent), est très dense. La voix n’est pas moins sollicitée, avec des suraigus, des glissandos, des jeux de vibrato, des effets sur les voyelles… Comme un poisson dans l’eau dans ce style, Barbara Hannigan parcourt la partition d’un seul souffle, comme possédée.

On oublie presque le bruit parasite (un intervalle de triton) en provenance du fond du parterre… C’est fort à propos que la soprano chante, à un moment du cycle, au milieu d’un orchestre hystérique : What’s that ? A noise ?

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La soprano Barbara Hannigan

La seconde partie était consacrée à la Symphonie no 4 en mi bémol, dite « Romantique », de Bruckner, deux ans après que le chef eut dirigé la Septième.

Les principaux choix interprétatifs de Payare se résument à une sorte de sostenuto animé, une option intéressante dans cette musique, quand certains optent plus pour un lourd mysticisme ou pour quelque chose de plus juvénile.

Seule vraie singularité : un deuxième mouvement passablement rapide. Cela dit, après la surprise initiale, on se fait à cette vitesse qui contribue à nourrir l’intérêt dans ces longueurs brucknériennes.

Il reste qu’on n’a pas eu droit à l’orchestre des meilleurs jours. On pense aux aigus pas très justes des violoncelles dans leur solo du deuxième mouvement (les altos ont fait meilleure figure dans un moment semblable). Mais aussi à certaines entrées décalées des cuivres.

Pour le reste, si la direction d’ensemble était généralement juste, le chef parvenant à créer des climats évocateurs, ça se gâte lorsqu’on entre dans les détails, dans la petite couture entre les différents motifs des voix intermédiaires, notamment dans les premier et troisième mouvements, ou tout n’est pas toujours net. Les complexités de Di Castri auraient-elles mangé du temps de répétition ?

Rafael Payare n’est peut-être pas – pour le moment – aussi convaincant en brucknérien qu’en mahlérien, mais il y a quelque chose qui ne demande qu’à éclore.