La route a été plus longue que prévu, mais Florent Vollant arrive enfin à destination : à deux jours de la Journée nationale des langues autochtones, il publie Tshitatau. Son sixième album solo est né d’un effort… collectif.

Se presser n’est pas dans les habitudes de Florent Vollant. Il aime donner du temps au temps et laisse volontiers passer trois ou quatre ans entre deux disques. Six années séparent pourtant Mishta Meshkenu (2018) et le tout nouveau Tshitatau. Qu’il en soit venu à bout est même un petit miracle.

Le projet était déjà en chantier quand, en avril 2020, l’auteur-compositeur-interprète innu a subi un accident vasculaire cérébral. Il a fini par s’en remettre, mais n’a plus la vigueur de ses 60 ans. Lui qui aimait les longues marches en forêt se déplace désormais difficilement. Il n’arrive plus à jouer de la guitare et se fatigue aussi plus vite qu’avant.

Avant même que Florent Vollant ne songe à baisser les bras, son fils Mathieu Mckenzie lui a rappelé qu’il lui avait enseigné qu’il fallait toujours finir ce qu’on commence.

Je lui ai dit : “J’aimerais ça qu’on finisse ce qu’on a commencé, qu’on ne laisse pas ça dans les nuages. Penses-tu qu’on va être capables de finir ?”

Mathieu Mckenzie

Son père a acquiescé : « On va le finir, mais d’une autre manière. »

Son « je » est un autre

Cette « autre manière » impliquait le guitariste André Lachance. Ce gars de Québec, que le chanteur innu a remarqué lorsqu’il jouait avec le regretté bluesman wendat Gilles C. Sioui, est devenu le principal architecte du nouveau disque de Florent Vollant. Il n’en a pas seulement composé les musiques, il en a également écrit les textes. En innu-aimun, oui.

PHOTO ISABELLE LONGNUS INTER-MUSES, FOURNIE PAR MAKUSHAM MUSIQUE

André Lachance (à droite), collaborateur de longue date de Florent Vollant, est le principal architecte musical de l’album Tshitatau.

Ce n’était pas le plan initial. Les mots qu’il avait mis sur les premières maquettes ne servaient qu’à lancer des pistes, dit-il. Or, Florent Vollant a accroché sur les choses qui étaient évoquées dans ces embryons de chansons. « Quand j’ai vu ça, je me suis dit : je vais me forcer, je vais essayer d’écrire des choses conséquentes, raconte André Lachance. J’ai fouillé dans des dictionnaires et cherché à créer des images qui feraient qu’au bout de la chanson, il pourrait en dégager un sens et rajouter ce qu’il manquait pour que ça se tienne ensemble. »

Ce travail de collaboration, amorcé avant l’AVC subi par Florent Vollant, s’est avéré salutaire pour la suite des choses. « On avait une dizaine de chansons en chantier [avant mon accident] », se rappelle le chanteur innu. Quand il a repris le boulot, il n’avait qu’à se concentrer sur sa voix, à retrouver le souffle nécessaire et à mettre de la lumière dans son chant. Ce à quoi il est parvenu avec le soutien d’une coach vocale, Mathilde Côté, qui fait des chœurs un peu partout sur le disque.

Du country… au reggae !

Tshitatau, comme d’autres disques de Florent Vollant, a des fondations folk. Ce qui ne l’empêche pas de flirter avec le reggae (Nishim UE) et surtout d’afficher une affection profonde pour le country. « Je suis venu au monde au Labrador, il y avait beaucoup de musique country à saveur nordique, terre-neuvienne, disons, là-bas, raconte le chanteur innu. Mon père jouait très bien de l’harmonica et un de mes oncles jouait du violon. Ça m’a beaucoup influencé. »

« Florent et moi, on a toujours eu le même langage musical, ajoute André Lachance. C’était facile pour moi de proposer des choses sans essayer que ça ressemble à du Florent Vollant. Il m’avait demandé un reggae et on aime tous les deux le country, puis différentes sortes de pop. Je lui ai envoyé ça tout cru. »

La seule chose qu’André Lachance a dû adapter, ce sont les rythmes.

Les chansons étaient dans des tempos plus rapides. C’était un album debout. Puis, à un moment donné, on s’est rendu compte que Florent n’avait jamais été autant assis. Ça fait qu’on s’est tous un peu assis, nous aussi, on a fait des chansons plus assises.

André Lachance

Tshitatau dégage une certaine fragilité et marque assurément un passage. Peut-être la fin de quelque chose. Parce que Florent Vollant est moins solide sur ses jambes, mais aussi parce qu’un de ses fidèles collaborateurs, le guitariste Réjean Bouchard, s’est éteint au milieu de l’été.

« Il me disait : “c’est la dernière chose que je vais faire, mais je ne pourrai pas être là comme avant”, raconte Florent Vollant. Il a fait bien plus qu’on pensait, mais il était sur la fin. [...] Il nous a tenus et soutenus jusqu’à la fin. »

Tshitatau

Folk Innu

Tshitatau

Florent Vollant

Makusham Musique