Quand Florence Rousseau repense à sa journée d’audition, elle se souvient d’avoir un peu perdu la notion du temps, comme si elle était dans un univers parallèle.

« Tout est long et vite, ça n’existe plus dans une horloge normale », raconte la musicienne qui figure sur la récente CBC’s 30 classical musicians under 30 list.

Tout cela est encore frais dans la mémoire de la corniste de 28 ans, qui a fait son audition en juin 2022 et obtenu sa permanence il y a à peine six mois, en mai 2023.

En effet, une fois le poste obtenu, la partie n’est pas gagnée : il y a une période de probation d’un an, question de vérifier si la personne choisie s’intègre bien dans le groupe de musiciens, et si son jeu est à la hauteur.

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Florence Rousseau

J’étais soulagée et fière quand je l’ai eu, mais l’audition, c’est juste la première étape. C’est une année quand même difficile après. Je me disais : tu n’es pas rendue, excite-toi pas trop !

Florence Rousseau

Si Florence Rousseau rêvait de jouer dans l’OSM, elle n’avait jamais pensé que c’était « quelque chose de possible, mais quelque chose à travailler ».

Son audition, elle l’a préparée pendant des semaines. Elle s’est enregistrée, écoutée et réécoutée, a joué pour des collègues cornistes, mais aussi d’autres instrumentistes, question d’avoir l’avis de musiciens qui ont « une autre conception du son ».

« C’est beaucoup de pratique. On fait tout ce qu’on peut pour être prêt, pour que ça soit exactement ce qu’on veut présenter de nous. »

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Florence Rousseau : « Les auditions, c’est tellement une bonne façon de t’améliorer toi-même sur ton instrument. »

Une cinquantaine de personnes étaient en lice ce jour-là. « Mais comme on est par vagues de dix, on n’est pas là tout le monde en même temps. C’est moins intense qu’une salle de 50 personnes en même temps ! Mais j’avais apporté mes écouteurs, pour rester dans ma bulle. »

Un tour à la fois

Dès la fin de leur vague, les musiciens savent déjà qui passera ou non au deuxième tour en après-midi. « Comme j’étais passée tôt, j’avais quatre heures devant moi, alors je suis retournée chez moi pour faire un dodo ! » Et il ne faut pas oublier de manger et de boire non plus, question de garder le bon niveau d’énergie.

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En coulisse à la Maison symphonique, quelques minutes avant de monter sur scène

Au deuxième tour en après-midi, il ne restait déjà plus que six personnes. Le niveau de stress était monté d’un cran, mais pour Florence, « il n’y a pas de feeling similaire ». « C’est un peu comme le matin avant d’aller prendre l’avion. On ne se sent pas full bien dans notre corps. C’est comme un sentiment que cette journée est immense. »

Le secret est de prendre ça un tour à la fois… N’empêche qu’au troisième tour, seule en lice avec une autre personne, elle a dû se contrôler « pour ne pas trop s’énerver ».

Oui, il faut y aller avec confiance. Mais des fois, j’aime trop la musique, ça me fait sourire et je fais des erreurs. Si je suis trop énervée, trop dedans, je perds un peu le contrôle. C’est important de rester focus et calme.

Florence Rousseau

Et jouer devant un paravent ? Elle préfère cela à se produire devant juste quelques personnes. « Si on se regarde, c’est trop intime. Pour une audition, j’ai l’impression d’être seule dans ma salle de pratique. C’est juste moi. »

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Florence Rousseau

Autour de 18 h, après une longue journée qui avait débuté à 9 h, Florence a finalement su que c’était elle qui avait été choisie. Mais après tant d’émotions, difficile de se réjouir complètement. « Quand ils m’ont dit que j’avais gagné, j’étais pas full émue. C’était trop pour l’assimiler d’un coup. »

Elle a envisagé ensuite sa probation de manière systématique. « Je me suis dit : prends ça une chose à la fois, un programme à la fois. Il faut faire de mon mieux. » Elle savoure maintenant sa place dans l’orchestre, tout en continuant de travailler fort.

« Si c’est à la hauteur de mes attentes ? Oui, totalement. »