Hier en tout début de soirée (18h30) s'ouvraient au Musée des beaux-arts les «Journées Schumann» organisées autour du bicentenaire de la naissance du grand compositeur romantique allemand.

La programmation comprend cinq concerts dont un de piano seul qui, inaugurant la série, était donné par Mathieu Gaudet devant une salle comble: 300 personnes.

Un feuillet glissé dans la brochure me cite comme ayant fait de grands éloges du disque Rachmaninov de M. Gaudet. Je reconnais ce que j'ai écrit. Mais Rachmaninov n'est pas Schumann et un disque n'est pas un récital. L'expérience d'hier l'a confirmé.

Le même feuillet nous apprend que M. Gaudet étudie la médecine et qu'il est -et je cite- «engagé dans la coopération internationale, la justice sociale et les causes environnementales». Toutes ces activités lui valent notre plus entière admiration. Mais elles nous inquiètent aussi. Laissent-elles à l'intéressé le temps voulu pour travailler son piano?

Question peut-être indiscrète mais inspirée par les exécutions plutôt quelconques que M. Gaudet nous a servies de Kreisleriana et de la Fantaisie op. 17.

Huit pièces contrastantes s'enchaînent pour former cette étrange Kreisleriana que Schumann lui-même qualifia ainsi: «Musique bizarre, musique folle.» Le climat alterne ici entre une agitation extrême et une rêverie quelque peu malsaine. M. Gaudet ne transmet que la moitié de l'une et de l'autre, il ne fait qu'entrouvrir le rideau.

Peut-être indisposé par le piano trop neuf, les bruits de la salle, que sais-je encore, il commet assez d'erreurs pour qu'on le mentionne et en commettra davantage dans la grande Fantaisie op. 17 en trois mouvements, cette oeuvre que je vénère et que je vois tout à coup réduite en cendres. Pensée, émotion, éloquence, architecture: il ne reste rien.

Qui connaît et aime Schumann ne peut absolument pas accepter ce qu'il a entendu hier. Il y eut pourtant ovation, debout, et rappel. Sans daigner l'identifier, M. Gaudet joua l'une des variations dites «posthumes» que Schumann élimina de ses Études symphoniques.

Une précision, en passant: ce n'est pas la première fois que des «Journées Schumann» sont organisées à Montréal. En 2006, la Chapelle historique du Bon-Pasteur avait présenté une série de quatre concerts (musique de chambre et piano) sur le même thème.***

MATHIEU GAUDET, pianiste. Hier soir, auditorium Maxwell-Cummings du Musée des beaux-arts.

Programme consacré à Robert Schumann (1810-1856):

Kreisleriana op. 16 (1838)

Fantaisie en do majeur, op. 17 (1836-38)