Le grand soir est enfin venu: le retour tant attendu de Charles Dutoit. Absent de notre scène musicale depuis son fracassant départ de l'OSM en 2002, Dutoit se devait de revenir un jour. Non pas à l'OSM, qu'il a juré de ne plus jamais revoir, mais avec un autre orchestre, chose tout à fait possible puisqu'il en dirige quelques-uns!

Cet autre orchestre, c'était le Philadelphia, qui ne s'était pas produit chez nous depuis 1986. Son chef à l'époque était Riccardo Muti.

On a parlé de cette visite Dutoit-Philadelphia dès 2003, l'année qui suivit le grand départ. Huit ans plus tard, le tandem est enfin parmi nous, pour deux concerts: vendredi soir, 22 juillet, et ce soir, 23 juillet.

Malgré la chaleur, on ne pouvait souhaiter soirée plus belle. Mais l'assistance ne fut pas tout à fait celle qu'on espérait: 5000 personnes, alors qu'on en avait compté plus de 6000 le soir d'ouverture.

Le programme un peu difficile et l'absence de soliste sont sans doute en cause. Le menu de ce soir est beaucoup plus attrayant, avec le deuxième Concerto pour piano de Rachmaninov et la Symphonie fantastique.

François Bédard, le directeur général du Festival, souhaite d'abord la bienvenue aux plus de 100 musiciens du Philadelphia, dans les deux langues, et souligne la présence de l'ancien premier ministre et grand mélomane Bernard Landry.

Les musiciens sont en chemise blanche -je l'ai dit: la chaleur- et Dutoit paraît en simple chemise noire ouverte. La moitié de l'assistance se lève pour l'applaudir.

Dutoit a conçu ce premier programme autour du répertoire qu'il défend depuis des années au concert et au disque.

Tout d'abord (et à l'instar de ce que font bien des chefs aujourd'hui) : sa propre suite du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev, soit huit extraits, alors que son enregistrement de 1989 avec l'OSM en contient 24.

Ensuite: les Danses symphoniques de Rachmaninov. Le Philadelphia les créa en 1941, avec Ormandy, et les enregistra avec Dutoit en 1990.

Finalement: La Valse de Ravel, que Dutoit dirigea à l'OSM on ne sait plus combien de fois avant et après leur enregistrement de 1981.

Le concert découvre un orchestre irréprochable à tous les niveaux -cordes, bois, cuivres, percussions- et jouant à la perfection. Quand je dis «perfection», j'inclus un infime raté de hautbois certainement attribuable à l'humidité. Voici, incontestablement, l'un des fameux «Big Five» américains (avec New York, Boston, Chicago et Cleveland).

Avec cette gestuelle élégante, généreuse et attentive que personne ici n'a oubliée, magnifiée par les écrans géants de l'Amphithéâtre, tout comme le jeu des musiciens d'origines et d'âges divers, Dutoit fait claquer les dissonances du Prokofiev et confère du drame à l'interminable Rachmaninov. Son Ravel, moins séduisant qu'à l'OSM, débouche sur un extraordinaire tapage qui fait lever l'auditoire et provoque un rappel: de Berlioz, la Marche hongroise de La Damnation de Faust.

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PHILADELPHIA ORCHESTRA. Chef d'orchestre: Charles Dutoit. Vendredi soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 34e Festival de Lanaudière. Radiodiffusion: Radio-Canada, 25 juillet, 20h.

Programme:

Suite du ballet Roméo et Juliette, op. 64 (1935) - Prokofiev

Danses symphoniques, op. 45 (1941) - Rachmaninov

La Valse (1920) - Ravel