Jean-François Rivest ouvrait hier soir la 18e saison de l'Orchestre de l'Université de Montréal avec deux sommets du répertoire, signés de deux des compositeurs les plus proches du grand public: l'Empereur, dernier des cinq Concertos pour piano de Beethoven, et la Pathétique, dernière des six Symphonies de Tchaïkovsky.

Avec un tel programme, on comprend que la salle Claude-Champagne de 1000 places ait été presque comble. Jeudi soir, on comptait 2000 personnes à l'OSM et on attendait le même nombre pour la reprise, hier soir également. Vendredi soir, entre les deux concerts de l'OSM, 1 500 personnes étaient venues à Notre-Dame pour la finale du Concours d'orgue. Et pourtant, il se trouve encore des gens pour répéter comme des perroquets que «la musique classique n'intéresse personne»...

L'Empereur a pour soliste un jeune pianiste de la Saskatchewan, James Coghlin, 24 ans, élève à l'UdM de Marc Durand et deuxième prix du Concours de concerto 2011 de l'OUM. Bien droit devant son clavier, qu'il domine de ses deux bras largement ouverts, le blond garçon a manifestement une idée très claire de l'oeuvre qu'il a entre les mains. Ce qu'il en fait est toujours en accord. La clarté, justement, caractérise son jeu du début à la fin. On ne perd pas une note, les trilles sont scintillants, la main gauche possède le même relief que la droite, la sonorité est toujours puissante et riche, la pensée ne faiblit jamais, non plus que la pulsation rythmique.

Dans ce dernier cas, le jeune soliste bénéficie de la présence de Rivest, qui l'aiguillonne sans répit et fait participer toutes les sections de son orchestre à l'exercice. Bref, nous assistons à un véritable dialogue.

L'OUM réunissait 75 musiciens pour ce concert et, pour le mettre pleinement en valeur, Rivest l'avait engagé dans cette même Pathétique de Tchaïkovsky qu'on réentendra samedi soir par Gergiev et l'Orchestre du Mariinsky. Peu importe qu'il s'agisse ou non d'un hasard: Rivest n'a pas à avoir la moindre honte de ce qu'il a obtenu de ses jeunes musiciens. L'OUM est un orchestre d'étudiants et, forcément, l'exigeante partition de 45 minutes lui a donné ici et là un peu de mal : les violoncelles n'étaient pas tout à fait justes au début du deuxième mouvement et le tempo très rapide du mouvement suivant requiert deux groupes de violons plus aguerris.

Dans les circonstances, des détails sans importance. Pour l'ensemble, l'orchestre sonnait magnifiquement : violons charnus et justes, appuyés sur des basses étoffées, bois bien caractérisés, cuivres dramatiques. Par-dessus tout, Rivest a livré une Pathétique très vécue, tumultueuse et quasi mahlérienne, ce qu'il annonçait dès le premier mouvement à la jonction précise où l'on passe de l'exposition au développement: quatre notes descendantes du basson, sur six «piano» (nous n'en avons peut-être pas entendu six cependant!), et, tout à coup, un tutti absolument explosif qui fit bondir toute la salle.

Il y a quelques années, Gergiev dirigea à l'OSM une Pathétique fort impressionnante, mais où l'effort pour impressionner restait trop évident. Rien de cela chez Rivest, manifestement très sincère et habité par son sujet.

Le concert débutait par une création Intercosmos, de Frédéric Chiasson, élève d'Isabelle Panneton (présentement doyenne par intérim de la Faculté de musique de l'UdM) et gagnant du Concours de composition 2011 de l'OUM. Inspirée par le grand espace (comme l'indique le titre), la pièce de huit minutes regarde aussi, bien que discrètement, du côté des Planets de Gustav Holst. Elle s'ouvre sur un immense crescendo pour mourir dans des sons éthérés, immatériels, du plus bel effet.

ORCHESTRE DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Jean-François Rivest. Soliste: James Coghlin, pianiste. Hier soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.

Programme:

Intercosmos (2011) - Chiasson

Concerto pour piano et orchestre no 5, en mi bémol majeur, op. 73 (Empereur) (1809-10) - Beethoven

Symphonie no 6, en si mineur, op. 74 (Pathétique) (1893) - Tchaïkovsky