Un BRAVO retentissant va à l'Opéra de Montréal pour avoir pris le risque de monter la rare Fanciulla del West de Puccini et, surtout, en avoir réussi une réalisation aussi satisfaisante à tous égards. Un nom doit être immédiatement associé à cette immense réussite qui ouvre la saison lyrique: Michel Beaulac, le nouveau directeur artistique de la maison. Fanciulla était son choix personnel. Il a vu juste. Sa «nouvelle carrière» ne saurait mieux commencer!

Premier élément de réussite: l'assistance. Pourtant conservateur, notre public d'opéra a fait confiance à l'OdM et la salle était presque remplie samedi soir à la première: 2 500 personnes. Bien que l'oeuvre ne contienne aucun grand air à succès et que le public n'ait là aucune occasion de rompre le déroulement par des applaudissements, ce public a suivi les presque trois heures de spectacle avec le plus vif intérêt, ovationnant à tout rompre chef et orchestre avant le début du troisième et dernier acte, chose que je n'ai jamais vue à l'OdM.

Au plan musical, la première mention va à la jeune soprano russe Irina Rindzuner, appelée d'urgence 24 heures avant le spectacle à remplacer Susan Patterson annoncée dans le rôle-titre mais atteinte d'une infection aux sinus. (On ignore pour l'instant si Mme Patterson sera rétablie pour la deuxième représentation, mercredi.) La nouvelle venue a étonné non seulement par la puissance de sa voix - une voix russe et donc un peu dure, mais convenant à cette Minnie meneuse d'hommes, le pistolet au poing - mais encore par la rapidité avec laquelle elle s'est familiarisée, jusque dans les moindres détails, avec le contexte scénique où elle s'est retrouvée en quelques heures.

Minnie est aussi une femme qui aime et qui souffre et, à cet égard, Irina Rindzuner fut parfaitement convaincante. Le même haut niveau se retrouvait chez ses deux partenaires: le ténor australien Julian Gavin en Ramerrez, le bandit qui se fait appeler Dick Johnson, et le baryton mexicain Luis Ledesma en Jack Rance, le shérif qui jure d'avoir le coeur de Minnie et la tête de Johnson-Ramerrez - et qui n'aura ni l'un ni l'autre, bien sûr. Les deux hommes clament leur passion - amoureuse dans le premier cas, vindicative dans le second - avec la même énergie dévorante. Le seul «air» de toute la partition (deux minutes confiées au ténor à la toute fin) découvre chez Gavin un timbre peu séduisant cependant. C'est une très mince réserve. Les mouvements scéniques sont bien réglés et se déroulent sur plusieurs plans, les petits emplois sont nombreux et tous bien remplis et le choeur, exclusivement masculin, est présent et énergique.

La participation de l'Orchestre Métropolitain et de la maestra invitée Keri-Lynn Wilson compte pour beaucoup dans cette mémorable réussite. Attentive à tout ce qui se passe dans la fosse et sur la scène, la jeune Wilson soutient les voix sans les couvrir et soulève un véritable torrent orchestral dans les passages particulièrement dramatiques.

J'avais mes craintes sur le décor annoncé: on allait remplacer le bar, la cabane de Minnie et la forêt par un train déraillé, symbole de la désillusion des travailleurs engagés dans la Ruée vers l'or. Les décombres de locomotive forment une énorme sculpture en plusieurs sections qui se transforment et suggèrent effectivement les lieux originaux. Bien sûr, on sourit lorsque Johnson parle de «jolie chambrette». Un détail.

LA FANCIULLA DEL WEST, opéra en trois actes, livret de Guelfo Civinini et Carlo Zangarini d'après le drame de David Belasco, musique de Giacomo Puccini (1910). Production: Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première samedi soir. Autres représentations: les 24, 27 et 29 septembre et 2 octobre, 20h. Avec surtitres français et anglais. Distribution (rôles principaux): Minnie: Irina Rindzuner, soprano Dick Johnson (Ramerrez): Julian Gavin, ténor Jack Rance: Luis Ledesma, baryton Ashby: Kristopher Irmiter, basse

Mise en scène et décors: Thaddeus Strassberger Costumes: Joyce Gauthier Éclairages: Aaron Black Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain du Grand Montréal. Direction musicale: Keri-Lynn Wilson