Ginette Reno l'a dit : le plus difficile, ce n'est pas de chanter, c'est de durer. Or, tous les chanteurs qui durent vivent des traversées du désert, des passages à vide, des moments où il y en a de «plus jeunes, plus fous pour faire danser les bougalous».

Bien des artistes vivent ces moments creux avec amertume ou découragement. Mais pas France D'Amour. Oh que non, monsieur. Mardi, elle était en spectacle au National de Montréal devant à peine plus d'une centaine de spectateurs, elle qui a déjà rempli le Métropolis, à une certaine époque. Eh bien, remerciant sincèrement ces spectateurs de lui accorder «le privilège d'être encore ici, après tout ce temps», la belle France leur a donné un excellent show, solide, drôle, rock'n'roll, énergisant, chaleureux, tourné vers la musique et le plaisir plutôt que sur l'apitoiement!

 

En fait, France D'Amour a fait comme dans sa chanson Vivante (qu'elle interprète d'ailleurs avec les spectateurs) : elle a chanté à tue-tête ce qu'elle avait dans le ventre, chanté comme une bête pour se garder vivante! Ou, pour reprendre les mots de Je n'irai pas ailleurs (elle aussi au programme) : «La vie se paye comptant, j'en mettrai pas de côté».

Car elle ne s'épargne pas sur scène, Miss D'Amour. Mêlant plusieurs des chansons de son plus récent album Les autres (dont certaines ont profité du passage à la scène, notamment La mouche) à certains de ses grands succès (Dolly... on est comme est, Ailleurs, Que des mots), elle est passée habilement d'une atmosphère rock à une autre plus acoustique ou drôle ou émouvante (Mon frère) ou carrément ZZ Top (Animal!) ou jazzy-folk solo à la fin du spectacle - elle a notamment interprété le standard jazz My Funny Valentine et la classique Smile («une chanson de Charlie Chaplin et non d'Ima» a-t-elle rappelé) d'une façon franchement inoubliable.

On soulignera le travail de ses trois très bons musiciens (également choristes), avec qui elle entretient une connivence réelle, une affection palpable, qui donne lieu à certains des meilleurs moments - ou des les plus hilarants - du spectacle, par exemple, quand le batteur Steve Gagné se met à imiter (très bien) Ginette Reno chantant Je ne suis qu'une chanson!

C'est sans doute en gang qu'ils ont eu l'idée de mêler à Vivante un petit bout de Les tiennes y sont-elles de Piché et Desire de U2! Ou de monter un numéro où chacun tente de démontrer qu'il connaît la chanson la plus populaire au monde - numéro efficace, mais qui gagnerait à être raccourci. Dans d'autres tounes, on reconnaît même, si je ne m'abuse, du LL Cool J (I'm Bad) et du Jet (une version féminisée de Are You Gonna Be My Girl... qui devient «my man»)!

Et puis, elle est sérieusement drôle, cette fille « spécialiste des jokes poches « (qui n'en sont que plus comiques), cette chanteuse à la voix vraiment intéressante qui lance : «Moi, je vais revenir au 33 tours. J'en fais plus, de CD... De toute façon, ça vend plus!» Ventes ou pas, qu'importe? Mardi, l'essentiel, pour elle, c'était de vivre D'Amour et de musique...