Samedi soir dernier, les fondations du Centre Bell ont tremblé pour le premier concert en sol montréalais du trio américain Jonas Brothers, boys band pop-rock qui, en dépit d'un quatrième album censé lui permettre d'amorcer son passage vers la vie artistique «adulte», reste populaire exclusivement auprès des ados, préados, enfants... et leurs bons parents.

Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans peuvent seuls connaître. Et encore, 20 ans, c'est déjà trop vieux pour écouter les Jonas Brothers (aucun lien de parenté avec le rockeur montréalais): le public cible, majoritairement féminin, allait de 5 à 15 ans, si on exclut les parents (et les vieux critiques).

Bénis par leurs hordes de fans, les Jonas Brothers - Nick, 16 ans, Joe, 20 ans, et Kevin, 21 ans - sont aussi raillés par d'autres qui voient derrière ces trois compétents minois toutes les ficelles tirées par «l'empire» Disney, l'entreprise qui a mis au monde le boys band et pour qui performance rime avec convergence.

Bien entendu, les inoffensives compositions pop-rock du trio, ces Year 3000, Lovebug, Hold On et S.O.S. que tous chantaient par coeur, sont indéniablement accrocheuses. Mais si le groupe a su écouler en trois ans plus de 8 millions d'exemplaires de ses quatre albums, c'est aussi parce que la confrérie est à l'affiche de nombreuses productions télévisuelles (la populaire série Hannah Montana, la téléréalité JONAS) et cinématographiques (Camp Rock, dont le deuxième chapitre sera tourné dès cette semaine) portant le sceau Disney. Le mariage de télé et musique pop se révèle ici d'une redoutable efficacité.

Avec la machine de «l'empire» vient aussi la philosophie. Les frères Jonas y adhèrent parfaitement: trois bons petits Américains propres issus d'une famille catholique pratiquante du New Jersey chantant l'amour et la joie de vivre. Ouvertement antidrogue, antiboisson et antitabac, les trois portent au doigt ces purity rings en guise de voeu de chasteté.

De la matière à débats pour les vieux, tout ça. La majorité des jeunes fans réunis au Centre Bell samedi soir assistaient à leur tout premier concert rock, et les Jonas Brothers leur ont servi une performance qu'ils n'oublieront jamais.

Pas un cri, pas une affiche «I LOVE JB» n'étaient perdus: le trio a réussi à attirer plus de 21 000 spectateurs dans l'enceinte montréalaise, ce qui constitue probablement un record d'assistance pour un concert pop au Centre Bell cette année.

Si les concerts du genre attirent généralement entre 12 000 et 14 000 spectateurs, comment font les Bros pour remplir ainsi la salle? Grâce à une scène centrale sur le parterre, qui permet aux fans d'occuper tous les sièges disponibles.

De cette scène centrale, deux passerelles menant à de plus petites scènes permettaient aux musiciens de se rapprocher de leur public. Ces deux scènes avaient aussi leurs effets techniques: l'une d'elles transportait vers le haut les musiciens, l'autre devenait une plate-forme rotative du haut de laquelle deux des Jonas aspergeaient les fans d'une mousse blanche. L'équipe technique des J.B. a même trouvé le moyen d'innover avec un «rideau de pluie» (à défaut d'un terme plus précis) pendant la chanson Lovebug, quand de l'eau tombant du plafond a encerclé l'une des petites scènes. Non seulement l'éclairage faisait un joli effet, mais en synchronisant la chute des gouttes, on arrive à créer des motifs aussi complexes que spectaculaires. Ingénieux!

Dieu que ça criait fort là-dedans. Même avant que les trois bellâtres jaillissent au centre de la plate-forme rotative pour chanter Paranoid (du récent Lines, Vines & Trying Times) et That's Just the Way We Roll, la fièvre était à son comble. Dix musiciens - dont une section de cuivres - accompagnaient les frères pendant ce généreux concert de près de 90 minutes réglé au quart de tour. Les trois Jonas s'échangeaient les instruments, guitares, piano, et le petit Nick s'est même emparé de la batterie le temps d'une chanson.

À ce programme constitué autant de ballades mielleuses que de petites salves pop-rock entraînantes, le groupe s'est même permis d'ajouter une reprise, incitant les parents à se lever pour vrai cette fois, histoire de «prouver qu'ils l'ont toujours», a dit Joe. Se sont mis à résonner les premiers accords de Sweet Caroline de Neil Diamond... succès de 1969, époque où plusieurs parents présents n'étaient même pas nés!