Cinq spectacles différents en cinq soirs. Pour seulement cinq dollars. C'est un concept intéressant. Ça l'est encore plus quand celui qui le donne est un showman à part entière.

Lundi soir au Club Soda, dans le premier concert de sa série présentée toute la semaine au Coup de coeur francophone, Antoine Gratton a consolidé sa place sur l'échiquier pop-rock québécois. Accompagné d'une simple section rythmique (basse, batterie), le chanteur/pianiste avec «une étoile s'un oeil» a livré une performance aussi brillante que sa combinaison de spandex scintillante.

Accrocheuses sans être commerciales, les chansons de son dernier album, Le problème avec Antoine, ne sont peut-être pas les plus «radio-amicales» mais elles passent haut la main l'étape de la scène. Sous la lumière des projecteurs, l'effort de studio se transforme en boule (disco) d'énergie pop et de «bûchage» rock. Sans oublier la part de théâtralité, inhérente à son univers visuel, empruntée au mouvement glam des années 70 (les éclairages mauves, l'habit flasheux, l'étoile de Bowie/Ace Frehley) et au Elton John de l'époque, dont il revendique la fougue pianistique et un certain sens de l'humour vestimentaire.

Pour être honnête, on ne s'attendait pas à quelque chose d'aussi musclé. D'entrée de jeu, Gratton et son power trio ont annoncé leurs couleurs (vives), avec des versions mordantes de Les yeux, 500 000 miles et Malàlavie, cette dernière profitant de trois choristes virtuelles projetées sur autant d'écrans géants.

On ne peut pas dire que le ballon s'est dégonflé par la suite. Crinqué par sa propre énergie, Gratton a continué sur sa lancée avec La dernière fois, Le monde, L'étoile, Sweet Edie et autres morceaux tirés de ses trois albums, en attaquant son clavier comme un marteau-piqueur, tel un Alain Lefèvre du pop-rock. De fait, il faudra attendre la moitié du spectacle et son improbable interprétation - au banjo - du tube Bilie Jean, pour que le jeu se calme un peu. Moment d'ailleurs bien choisi pour descendre de scène et fendre la foule en jouant unplugged, une stratégie qu'il reprendra à la fin du show, dans un rappel interprété sur un autre piano depuis le fond de la salle.

La plus grande surprise vient peut-être de là. Car si on le savait bon musicien, on ne le savait pas aussi dégourdi en spectacle. Totalement assumé dans son rôle de «divertisseur», Gratton emploie tous les trucs du métier (fait chanter, fait s'asseoir, déconne, joue Phil Collins) pour mettre le public dans sa petite poche de lycra. Du déjà vu certes, mais toujours efficace, surtout quand c'est fait de bon coeur. Le gars s'amuse, sa gang suit.

Est-ce que ça vaut cinq piastres? La réponse est évidemment oui. Même que c'en est gênant. Qu'on aime ou non ses fantaisies (incluant cette maudite étoile qui en énerve plus d'un!), force est d'admettre que le «problème avec Antoine» ne se situe vraiment pas au niveau de la scène. Avis aux intéressé-e-s, le troisième volet risque d'être encore plus vitaminé, puisque le trio s'entourera cette fois d'une section de cuivres et de l'harmonica d'Éloi Painchaud. Demain, piano solo, donc plus mollo, avec promesses de «coussins et d'opium», dixit le chanteur. Vendredi enfin, dance party avec DJ, alors que Gratton présentera son matériel remixé.

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Antoine Gratton, au Club Soda jusqu'à vendredi.