Hors du cercle des fans, la rentrée officielle de La Patère rose aurait pu passer inaperçue tant le groupe a su se faire voir et entendre depuis la sortie de son premier album (éponyme) sur l'étiquette Grosse Boîte, au printemps dernier. Après un concert en première partie de Nouvelle Vague lors des dernières Francos et une participation à M pour Montréal la semaine dernière, le trio tenait le haut de l'affiche au Cabaret Juste pour rire mardi.

Rentrée réussie pour le groupe, mené par la chanteuse Fanny Bloom, accompagnée par Roboto (claviers, séquences, voix) et Kilojules (batterie, scratches, séquences), également membres du groupe Misteur Valaire. Bloom porte la performance sur ses petites épaules, l'auditoire n'a d'yeux que pour elle et sa voix expressive - un peu trop pour ses capacités, devons-nous ajouter.

C'est comme s'il y avait deux facettes à La Patère rose: les compositions énergiques et dansantes, souvent torrides et sensuelles, et celles, plus dosées, plus sensibles, qui remettent au goût du jour un certain idéal de la chanson française à texte, où la mélodie vient uniquement appuyer le propos.

On préfère la facette «chanson» de la Patère, d'abord parce que l'exécution y est plus réussie et que les arrangements paraissent mieux réfléchis. Aussi, parce qu'il y a dans cette tale de sacrée belles chansons (par exemple Chamord-sur-mer et L'éponge). Et il y a aussi ces couleurs cabaret, servie dans le premier tiers de la soirée, après cette version pas vraiment heureuse du Tourbillon de Jeanne Moreau - qui démarre doucement, s'emballe dans un agréable rythme hip hop, avant de se terminer par un accident musical assez horrifiant...

Bref, pour Chamord-sur-Mer, c'était parfait, avec le concours de deux autres membres de Misteur Valaire venus les rejoindre. Fanny Bloom habitant complètement son personnage sans sur-jouer le texte, la chanson brillait dans cette portion plus douce de la soirée, offerte après avoir évacué les PaceMaker et Décapote, qui ont fait connaître le groupe.

Le trio a gagné ses épaulettes depuis son passage remarqué aux Francouvertes il y a presque deux ans. Moins éparpillé qu'avant, La Patère rose a gagné en assurance sur scène, les chansons coulent de source, même lorsque ça grince dans les tournants. Surtout lorsque Kilojules et Roboto y mettent toute la gomme: Bloom, emportée par l'énergie de ses accompagnateurs, se laisse un peu trop aller aux hurlements - elle n'a pas besoin de crier pour fausser, ce qu'elle fait souvent, particulièrement lors d'envolées vocales en finale de chanson. Dommage, car elle a un joli filet de voix, plein de personnalité.

Au plaisir de revoir ce groupe en pleine progression, il fallait ajouter celui de les voir dans un contexte qu'ils maîtrisaient mieux. Leur scène, leur affiche et leur éclairagiste, qui a fait un très beau boulot avec les moyens du bord. La représentation d'un «attrapeur de rêve» suspendu au dessus des musiciens, avec la boule disco, était du plus bel effet.

En première partie, une autre excroissance de la «scène sherbrookoise»: le groupe Grosse Distortion, constitué de deux des membres de Misteur Valaire et de deux autres des Appendices, un peu country-folk, beaucoup rock qui «griche» et qui plane, quelque part entre le Gros Mené de Fred Fortin, dans l'attitude, et Les Trois Accords, dans le ton (les musiciens, eux, revendiquent l'influence de Ween, ça donne aussi une bonne idée de ce qu'ils font). On les a préférés lorsque la guitare était au tapis, alors que les moments cocasses, plus country, manquaient d'intensité et d'originalité. Sauf pour la chanson-parodique intitulée Beau dommage...