En cette dernière soirée des années 2000, les fêtards à la recherche de bon temps et d'un peu d'action avaient l'embarras du choix. Seulement, pour 10 000 d'entre eux, ce choix s'imposait: direction le Centre Bell où, pour la troisième fois de leur carrière, les Cowboys Fringants tenaient le haut d'une affiche généreuse et explosive mettant également en vedette Vincent Vallières et le groupe traditionnel Norouet. C'est ce qu'on appelle défoncer l'année avec fracas!

On a beau chercher, impossible de trouver un autre groupe québécois assez fédérateur aujourd'hui que les Cowboys Fringants pour faire le plein de 10 000 spectateurs payants. Oh! C'est certes beaucoup moins que les presque 20 000 qu'ils avaient ralliés à leur premier Centre Bell, le 30 décembre 2003, mais les fans en cette veille du jour de l'An étaient d'une telle dévotion que le toit de l'aréna n'aurait pu en supporter davantage, de peur de s'envoler.

Du parterre aux sièges en altitude, un joyeux échantillon de la population québécoise d'expression francophone, toutes générations confondues. Majorité de jeunes adultes qui ont souvent fêté avec les Cowboys durant leur cégep, des enfants juchés sur les épaules de papa, jusqu'au grand-père ravi de swinguer avec sa compagnie. L'ambiance du tonnerre; ça a donné un spectacle comme une authentique fête de famille, même sur scène d'ailleurs puisque la fringante violoniste-accordéoniste Marie-Annick Lépine et la violoniste Stéphanie Lépine de Norouet sont cousines!

Or, les Cowboys avaient ce soir-là deux bonnes raisons d'offrir un concert mémorable. Non seulement avaient-ils fomenté une fumante performance de presque quatre heures pour saluer l'arrivée d'une nouvelle décennie -je fais le compte des chansons jouées, j'arrive à 40, medleys inclus!-, mais le groupe profitait aussi de l'occasion pour souligner ses quinze ans d'existence.

À 22h20 pile, après les performances de Norouet et Vallières, les Cowboys ont pris la scène d'assaut, lançant le bal de puissante manière, enfilant Droit devant, Ti-Cul, Maurice au bistro et La Manifestation avant de prendre une respiration. Le parterre gigotait furieusement, ça augurait bien pour ce marathon dansant qui allait s'étirer jusqu'aux petites heures, merci aux employés du Centre Bell qui ont accepté de lever le couvre-feu habituel.

En clin d'oeil à sa longue carrière, l'orchestre chéri a revisité tout son répertoire discographique, déterrant des vieilleries -mais des classiques, néanmoins!- telles que Awikatchikaën, juste avant le généreux rappel, Les Routes du bonheur, Impala Blues, Marcel Galarneau, efficaces et endiablées rigodons rock pour le moins appropriées en cette veillée du nouvel An.

La première partie a cependant connu un certain temps mort, s'il faut l'appeler ainsi, lorsque Si la vie vous intéresse et Monsieur, deux laborieux titres plus rock aux changements de tempo subits, se sont glissés entre les plus douces Voyou et Toune d'automne. Ajoutons à ce léger écart au programme résolument festif des effets d'éclairages assommants, à l'occasion. Un désagréable effet de stroboscope nous a gâché le plaisir de réentendre En berne, sans doute une des plus puissantes compositions du groupe...

Autrement, les Cowboys ont offert un feu roulant de chansons que les fans savaient presque par coeur. Pauzé, Dupuis, Lépine et le flegmatique chanteur Karl Tremblay sonnaient la charge du haut de leur scène, trouvant dans les soubresauts incessants des fans l'énergie nécessaire pour abattre quarante chansons jusqu'aux premières heures de la nouvelle année.

Lorsque la famille de Norouet s'est pointée sur scène pour accompagner la bande, on sentait que le décompte du nouvel An approchait. Hommage au membre honoraire de la Ligue du vieux poêle Titi, suivi d'une chanson à répondre (L'Allégresse), 3-2-1... et ça y était. Des ballons rouges et bleus sont tombés du plafond, les fans s'étaient fabriqués des avions en papier, à lancer à minuit, alors que résonnaient les premiers accords de Les Étoiles filantes, sous les reflets d'une boule miroir. Joli!

Or, les ballons et les avions ne signalaient surtout pas la fin des festivités: ce n'était que la mi-spectacle, insistait Karl Tremblay. Vincent Vallières s'est alors pointé sur scène pour entonner, tel un Fringant, Le Shack à Hector, et les 10 000 fans ont recommencé à taper du pied pour encore 90 bonnes minutes. Bienvenue, 2010.