L'auteure, compositrice et interprète Bïa et son acolyte d'as guitariste Yves Desrosiers nous conviaient, jeudi soir dernier, à la première de leur nouvelle expédition musicale, agréable voyage dans des contrées familières pour qui suit la carrière de ces deux musiciens. Du bossa au fado, en passant par quelques incursions dans le répertoire francophone, la paire nous a bercés, tout doucement...

C'était la mi-février, presque la Saint-Valentin, et loin des tumultes et des Jeux d'hiver et des trottoirs un peu-pas-beaucoup enneigés, se retrouver dans l'intimiste salle du Studio-théâtre de la Place des Arts était réconfortant. Le confort de la proximité: ne manquait qu'un feu de foyer pour compléter l'atmosphère propice aux confidences et aux rapprochements qu'ont su installer Bïa et Yves, avec leurs voix, leurs belles guitares et un répertoire apprécié, mais prévisible.

Prévisible? Bïa qui chante Salvador et ses belles Jardin d'hiver et Dans mon île; Bïa qui reprend Brassens, les Je me suis fait tout petit et Filles de joie; qui reprend aussi Ferland dans sa belle version de Une chance qu'on s'a, devenue Que bom Você en portugais. Joli, mais déjà entendu, sur scène et parfois sur disque.

C'est lorsque le duo sort des lieux communs que la soirée devient passionnante. Déjà, ça commençait fort, Bïa offrant une sobre et vibrante version de Tonada de Luna Llena, «l'hommage à la lune» du chansonnier Simon Diaz, qu'a notamment popularisé Caetano Veloso.

Bïa a sa guitare sur les genoux, Yves Desrosiers, sa lap steel. Il en extrait des sonorités absolument suaves qui ornent de brillante manière la voix chaude de sa collègue. Comme sur Mûres sauvages de Bïa (de son album Sources) qui a suivi; Desrosiers rehausse le jeu des arrangements en chatouillant délicatement les cordes de sa guitare, muni d'un e-bow. Décollage réussi.

Or, réservant l'essentiel des reprises de Brassens et Salvador pour la première partie, le duo a légèrement brouillé l'atmosphère par des interprétations qui, bien que fort jolies, n'étaient pas aussi magnétiques que lorsque Bïa joue sur la corde de la mélancolie latine.

Bïa l'interprète, finement accompagnée par Desrosiers qui, le regard perdu, soutire de ses guitares des lignes inspirées, Bïa semblait ce soir-là mieux habiter les textes des poètes latino-américains que ceux des francophones.

La seconde portion de la soirée s'est avérée beaucoup plus nourrissante, notamment grâce à cet hommage, fameux, au poète et chansonnier espagnol Paco Ibanez. Pas latines pour deux sous, mais tout aussi adorables, une étonnante version de The Rose, popularisée par Bette Midler, chaudement applaudie par le public, et l'interprétation d'une chanson de l'album Volodia de Desrosiers, disque portant sur l'oeuvre du poète Vissotsky, passion commune de nos hôtes.

On passe une belle soirée en compagnie de ces deux-là, et davantage encore en se disant qu'il fait froid dehors. Bïa et Desrosiers réchauffent des coeurs avec leurs anecdotes de pays chauds et les rythmes qui vont avec.

Le concert intime de Bïa et Yves Desrosiers sera repris au Studio-théâtre de la Place des Arts les 18 et 25 février prochains. Ce spectacle mènera la paire en tournée jusqu'au printemps; détails sur le site www.biamusik.com.