Les fées existent: dimanche soir, Vanessa Paradis est venue le rappeler avec un spectacle étonnant, acoustique, riche, fin et solaire, dans un théâtre Wilfrid-Pelletier plein à exploser. Un spectacle où, une fois encore, elle a fait montre, comme en 1993 et comme en 2001, d'un fascinant mélange de sex-appeal et de sérénité, de talent et de raffinement...

Comme toute fée qui se respecte, elle a évidemment l'air d'une humaine. Mais peu d'humaines semblent ainsi briller dans le noir et se déplacer avec une espèce de halo d'or, même quand les projecteurs sont éteints...

Réinterprétant ses chansons les plus connues dans des arrangements d'une grande grâce et d'une grande invention (signés Albin de la Simone), Vanessa Paradis a chanté avec brio, aplomb, charme et ce timbre de voix qui n'est qu'à elle, dont elle joue aussi bien dans les graves que les hautes, parfois accompagnée seulement de percussions ou d'un quatuor à cordes, parfois soutenue par ses huit exceptionnels musiciens, toujours dans des orchestrations qui déstabilisaient et ravissaient tout à la fois, où banjo, ruine-babines, guitares de toutes sortes, percussions organiques ou violon pouvaient se marier!

La magnifique Junior Suite, la sensuelle Dans mon café (pendant laquelle elle danse de façon carrément érotique), la souriante Sunday Mondays (avec un solo de flûte à bec) ou, dans des arrangements de guitares fabuleux, Marylin & John (comment ne pas songer à Vanessa et Johnny quand elle chante «le mariage d'une étoile et d'un lion?»), tout cela et bien d'autres morceaux (dont la majorité figure sur l'album Une nuit à Versailles, en passant) ont littéralement envoûté les quelque 4000 spectateurs. Oui, jusqu'en haut, au tout dernier balcon, ça tapait des mains, c'était debout et ça en redemandait.

Il y a eu des moments absolument improbables et pourtant réels : par exemple, Scarabée, que Vanessa Paradis a chanté accompagnée uniquement par le piano... et un silence attentif et parfait de la salle. Absolument personne n'a toussé : en plein mois de février, si ce n'est pas de la magie, ça, qu'est-ce que c'est?

Et puis, il y a eu des moments jouissifs, comme sa reprise de Wonderful World de Sam Cooke ou les arrangements de Be My Baby, des moments introspectifs, telle sa version de Hallelujah de Leonard Cohen, ou des moments adorables (Vague à l'âme), ou des moments torrides (la finale de L'incendie où Vanessa frappe à fond sur une cymbale), ou des moments hallucinants, pendant sa version véritablement amoureuse de... Le p'tit bonheur de Félix Leclerc, qu'elle chante depuis qu'elle a 5 ans. Des tas de moments, créés par une mise en scène exquise et, répétons-le, féérique.

Le p'tit bonheur, elle la chante toujours avec un grand bonheur manifeste, 33 ans plus tard - soit 24 ans après ses débuts quand elle séduisait le monde en chantant Joe le taxi (version incroyable pendant le spectacle, où Vanessa s'accompagne au piano à doigts), 18 ans après son premier spectacle ici, 10 après le second... La salle, remplie de gens de tous âges, témoignait de toutes les générations qu'elle séduit depuis 1987.

Vanessa n'était pas seule à jouer de ses sorts et de ses charmes : elle pouvait aussi compter sur les dons de ses quatre musiciens rock fabuleux Albin de la Simone (qui a aussi fait la courte première partie, jolie comme tout), François Lasserre, Pascal Colomb, Raphaël Chassin - et de ses quatre musiciens classiques incroyablement doués - ils sont même capables de faire les voix au besoin, par exemple dans.... Tandem! -, sur des éclairages extraordinaires (qui sont, si je ne m'abuse, de Dimitri Vassiliu)... Jouant parfois elle-même du clavier ou de la guitare, la fée exauçait tous les voeux, ceux de ses fans, ceux des amateurs de musique, ceux des curieux, ceux de ses musiciens avec qui elle échangeait des regards chargés d'affection, d'humour. Avec sa main droite expressive, ses épaules de reine, son bassin suggestif, ses bras comme des lianes magiques et cette voix qui nous accompagne depuis plus de deux décennies, Vanessa Paradis ensorcelait, ce soir. Star? Oui. Comme dans étoile, astre, galaxie. Comme dans vie.