Le charme de Lewis Furey a opéré dès son entrée en scène hier soir au Théâtre Outremont. Le magnétisme fou qu'il possédait déjà, alors qu'il faisait vibrer L'Évêché de l'hôtel Nelson dans les années 70, était intact et nous faisait presque regretter la longue éclipse que le cinéaste et homme de théâtre a imposée à son double chanteur et musicien.

Et pourtant, non. Parce que le Lewis Furey, qu'on a retrouvé avec tant de plaisir, n'est plus le jeune prodige aux chansons intemporelles qu'on voulait à tout prix faire découvrir aux amis. Et que tout ce qu'il a entrepris depuis des décennies nourrit manifestement son art et lui permet de réinventer ses chansons de jadis sans les dénaturer.

Il faut dire que le sexagénaire au crâne dépouillé est magnifiquement entouré d'un trio de jeunes tous vêtus de noir qu'il a baptisé la Conservatory Conspiracy: son fils Tomas aux synthés et à la programmation, Gaël Lane-Lepine aux claviers et au piano, et Pierre-Philippe Côté, le Pilou qu'on a vu avec DJ Champion, qui peut se mettre au service des chansons de son employeur avec sa guitare, sa contrebasse ou ses percussions.

Pilou a vanté la générosité de Lewis Furey qui lui a permis de chanter trois de ses propres compositions au retour de l'entracte. Mais Furey l'avait déjà mis en selle plus tôt dans la soirée en chantant avec lui son succès des débuts, Louise, dans un dialogue que le public a chaudement applaudi.

Tout autant sinon plus que leurs talents de musiciens, ce sont les harmonies vocales des trois jeunes hommes qu'on a appréciées, magnifiquement en évidence dès la deuxième chanson au programme, He Says Love Me, qui annonçait une soirée de musique d'une qualité rare. Il y avait aussi dans leur façon de jouer des claviers à six mains pendant la relecture inspirée de The Sky Is Falling quelque chose de ludique.

La vedette de la soirée impose toujours sa présence théâtrale rien qu'à la façon dont elle jette un regard oblique à son public tout en chantant et en jouant du piano. Sa voix un tantinet nasillarde n'a rien perdu de son pouvoir d'évocation. Et Furey réussit le tour de force de tisser des liens entre ses chansons à la Kurt Weill, des choses plus pop presque dansantes, ses créations pour le cinéma, et ses clins d'oeil à Brahms, Samuel Taylor Coleridge, Robert Frost, William Burroughs, Leonard Cohen, Charlebois ou Doc Pomus.

Cet artiste inclassable entreprend ces jours-ci une tournée du Québec. Faites-vous plaisir, allez le voir.