Diane Dufresne dit qu'il lui faut du nouveau pour la faire vibrer. Il n'y avait pourtant aucune nouvelle chanson au programme hier soir à la Maison symphonique, mais on est ressorti de ce très beau spectacle qu'elle nous a donné avec les Violons du Roy dirigés par Simon Leclerc avec l'agréable impression d'avoir assisté à une véritable création.

Aux chansons de son plus récent album Effusions, qui a quand même plus de cinq ans, la chanteuse a greffé des emprunts judicieux à Bashung, Jonasz, Zazie et Brel en plus d'y glisser à l'occasion une chanson de son propre répertoire. Le miracle, c'est que tout se tenait, y compris les intermèdes musicaux des Violons pendant que madame allait en coulisse ajouter une couche à son costume créé par Marie Saint Pierre.

C'était une magnifique courtepointe, un puzzle dans lequel chacune des pièces s'imbriquait si naturellement qu'on n'a presque pas vu le temps passer.

De cela, il faut remercier le chef et orchestrateur Leclerc, et les autres arrangeurs dont on a retenu les idées, pour la sensibilité avec laquelle l'orchestre est venu imager les chansons de Diane Dufresne tout en s'effaçant presque derrière cette voix qu'on n'avait pas entendue si maîtrisée, si chaude et si touchante depuis un moment déjà. L'effet était tel qu'on en oubliait de regarder les projections sur l'écran de forme géométrique derrière les musiciens.

La magie a opéré avant même que la chanteuse n'apparaisse sur scène. Leclerc s'est assis au piano tel un dandy fumant la cigarette, les Violons se sont amenés sur la pointe des pieds et on a reconnu les premières mesures de Madame rêve. La voix de la Dufresne s'est invitée, puissante à souhait, depuis les coulisses, tout à fait dans le ton de cette superbe chanson qui semblait avoir été écrite pour elle par Bashung. C'était le début des chansons d'amour, de perte et néanmoins d'espoir culminant par Est-ce que je retrouverai ma douce? de Jonasz chantée par une Dufresne endeuillée après la belle et triste Le dernier aveu.

Après une incursion orchestrale dans le répertoire de Piazzolla, elle est revenue nous chanter la folie et la peur. Puis ce fut le bloc écologique, dans lequel les mots de Je suis un homme de Zazie («je tourne en rond, je tourne en rond») annonçaient évidemment On tourne en rond de Plamondon et Cousineau dont les nouveaux arrangements faisaient oublier qu'elle a 40 ans. On pourrait en dire autant d'Oxygène qui retrouvait une certaine fraîcheur tout en en dépoussiérant le texte que Dufresne jouait mi-tragique, mi-clownesque.

«On ne sait jamais quand je vais vous revoir, peut-être à l'église. C'est pour ça que vous êtes là. [Vous vous dites:] «Avant qu'elle ne soit plus là!»», a lancé Diane Dufresne avant de prendre congé avec Je voulais te dire que je t'attends, de Jonasz. C'était une blague, évidemment: la Dufresne qu'on a revue hier a encore des choses à dire et la forme pour le faire.

Elle remet ça avec les Violons du Roy en tournée au Québec et sera de retour à la Maison symphonique le 18 janvier.