L'équipe des Arts et spectacles vous propose son palmarès des meilleurs albums de la dernière décennie. Depuis le déclin du disque, quels albums se devaient de voir le jour en tant qu'albums?

ALBUMS FRANCOPHONES

> Alain Bashung, L'imprudence, 2002

Pour le sombre et le magnifique qui s'y côtoient, parfois poésie, parfois bruitisme, un album incroyablement audacieux, dont le sens s'approfondit à mesure qu'on l'écoute, fait pour nourrir et accompagner toute une vie.

> Alain Bashung, Bleu pétrole, 2008

Un autre grand cru de Bashung, son dernier. Peut-être un peu plus accessible que ses albums précédents, mais tout aussi riche, profond. Heureusement, Bashung a eu le temps de donner une seconde vie à ces magnifiques chansons sur scène avant de tirer sa révérence.

> Daniel Bélanger, L'échec du matériel, 2007

Un des disques les plus courageux (et parmi les plus beaux) du Québec récent, où des thèmes lourds - la déshumanisation, les fermetures d'usine, l'avoir qui l'emporte toujours sur l'être, etc. - sont transformés en chansons à la fois aériennes (par la musique et la voix) et utiles (par la compassion et l'indignation qu'elles expriment). Bref, un J'accuse, un Germinal qui se chanterait et se danserait.

> Daniel Bélanger, Rêver mieux, 2001

Daniel Bélanger est un chouchou des ondes radiophoniques et ce disque contient d'ailleurs quatre gros tubes. Impossible de réduire Rêver mieux à ces quatre escales. Toutes sont essentielles pour vivre cette fabuleuse traversée des sentiments.

> Daniel Boucher, La Patente, 2004

Trop long, trop «flayé», le deuxième album de Daniel Boucher n'a pas eu le succès populaire espéré. Dommage: malgré ses défauts, Boucher osait une oeuvre touffue, complexe et engagée, un trip psyché-folk-rock en seize indissociables chansons. Le moins compris de ses disques, néanmoins son meilleur.

> Camille, Le fil, 2005

Une note - un si - fait le lien entre toutes les chansons de cet album extraordinairement inventif et déroutant. Il faut suivre le fil et ne surtout pas le perdre pour prendre la mesure de la folie de Camille.

> Les Cowboys Fringants, Break Syndical, 2002

Jean-François Pauzé joue des mots sur tous les tons: ironie, sarcasme, engagement politique, tendresse, bouffonnerie. La moitié des 14 chansons de ce disque marquant sont pratiquement déjà des classiques.

> Dumas, Le cours des jours, 2003 (plus le mini-album Ferme la radio, qui complétait le disque)

Pour l'atmosphère qui s'en dégage, la mélancolie la plus pure, l'impression de marcher sur le boulevard Saint-Laurent, seule, perdue entre les passants, déphasée, endeuillée, avec cet album dans les oreilles pour trame sonore.

> Thomas Fersen, Pièce montée des grands jours, 2003

On connaissait déjà Fersen, mais pas si «rock» ni aussi «cochon». Rarement aussi inspiré. Et puisqu'il se donne la peine de faire des albums thématiques - ici, c'est des plaisirs de la chair et de la bonne chère qu'il est question - il serait bête de se contenter de quelques bouchées.

> Karkwa, Le volume du vent, 2008

Le rock indé d'Amérique francophone n'a jamais atteint un tel sommet au cours des derniers 10 ans. Les choeurs, les arrangements, les rythmes, les mots soignés, le mix, la force de frappe.

> Pierre Lapointe, La forêt des mal-aimés, 2006

Suave et brillant, un grand disque pop. Un mélange d'impressionnisme et de baroque, de minimalisme piano-voix et d'effervescence rétro kitsch, avec clavecins, cordes et choeurs dans un enrobage moderne, très second degré. Efficace et délicieux. Le brillant exercice de style d'un mélodiste hors norme.

> Jean Leclerc (Leloup), Mexico, 2006

Un disque qui a des allures de roman du XXIe siècle, plus près de la poésie et du spoken word que de la chanson, foisonnant et pourtant profondément cohérent, avec des textes incroyablement tristes et justes et étonnants.

> Malajube, Trompe l'oeil, 2006

Rêche et bouillonnant, un deuxième album solide du début à la fin, dans la variété et la force de frappe, la cohésion des arrangements et le dosage des guitares. Des mélodies irrésistibles qui ont marqué la décennie.

> Chloé Sainte-Marie, Parle-moi, 2005

La poésie chantée, mais sans pour autant cesser d'être d'abord de la poésie, cette chose indicible qui pourtant se traduit par des mots. La plus belle façon d'apprendre des poèmes d'ici, en les fredonnant, tout simplement. Et parce que mon petit garçon a appris par lui-même les mots mystérieux de Toi la mordore, juste parce qu'il les trouvait beaux.

> Les Trois Accords, Gros Mammouth Album, 2003

L'album qui a pris tout le monde par surprise et qui a fait l'effet d'un vent de fraîcheur dans un milieu qui se prend parfois un peu trop au sérieux. Pourtant, cet album, c'est du sérieux! Derrière l'humour nono et le rock à trois accords se cachent un sens de la mélodie et une habileté avec les mots remarquables.

ALBUMS ANGLOPHONES

> Arcade Fire, Funeral, 2004

Fervent, passionné, mélodramatique, jubilatoire, mélancolique, brut et brouillon. Quand le rock se fait prière et mène à la catharsis.

> Erykah Badu, New Amerykah pt.One: 4th World War, 2008

L'album-concept type, le genre qui s'écoute du début à la fin, sorte de voyage ésotérique teinté de politique qui traverse la soul music, de 1960 à 2025.

> Beck, Sea Change, 2002

Avec le soutien du réalisateur Nigel Godrich, Beck a créé contre toute attente un album de chansons calmes et soyeuses, superbement arrangées, autour du thème de la rupture.

> Feist, The Reminder, 2007

Parce que toutes les chansons sont bonnes et le restent, après des écoutes et des écoutes!

> Franz Ferdinand, Franz Ferdinand, 2004

Zéro remplissage sur cet album à la fois irrésistiblement dansant et rentre-dedans. Trop rare pour ne pas être mentionné.

> Godspeed You Black Emperor!, Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven, 2000

Album déterminant dans le processus de reconnaissance internationale de la scène montréalaise, ce deuxième album (fait de deux disques et quatre mouvements) est une véritable symphonie rock bruitiste instrumentale qui, neuf ans après sa parution, fascine toujours.

> Madonna, Confessions on a Dance Floor, 2005

Danser, danser, sur le thème du temps qui passe. Et puis la chanson Push, pour résister à la tentation de se contenter du bien, quand on peut faire mieux.

> M.I.A., Kala, 2007

Un incroyable copier-coller de l'Orient et de l'Occident, des beats imparables, tout un univers bigarré et furieux - et la possibilité de danser à fond.

> Mika, Life in Cartoon Motion, 2007

Des musiques ultra-vitaminées sur des textes décapants, plus durs qu'il n'y paraît, parfois cyniques, parfois déchirés, un contraste absolu entre le beat et le propos, et une voix qui me chavire par sa puissance, son registre et toutes les émotions qui s'y logent. Sans oublier deux ballades qui figurent toujours parmi mes préférées.

> Radiohead, Kid A, 2000

La rupture qui s'opère chez Radiohead est radicale. Il faut dix chansons pour en prendre toute la mesure... et peut-être essayer de s'en remettre.

> Sufjan Stevens, Illinois, 2005

Gorgées de rimes signifiantes, arrangements subtils, instrumentations singulières et constructions harmoniques nettement au-dessus de la moyenne, ces 22 chansons et pièces d'Illinois ont mis en lumière un des plus doués créateurs américains de la décennie.

> The Strokes, It This It, 2001

On a toute la vie pour écrire son premier disque, dit le cliché. The Strokes n'a jamais eu autant de panache. L'album d'une vie, en effet.

> Rufus Wainwright, Release the Stars, 2007

Release the Stars est l'album le plus accompli de se surdoué. Des chansons fortes, plus directes, moins maniérées dont la richesse a été aussitôt confirmée par un spectacle haut de gamme.

> Patrick Watson, Close To Paradise, 2006

Moult références émaillent cet album excellent. Et ce avec une singularité esthétique qui le met à l'abri de tout soupçon de préfabrication. Voyez la palette de styles : minimalisme américain (Philip Glass pour être précis), impressionnisme français (Satie et cie), progressif (très pinkfloydien), psychédélisme, rock orchestral, bruitisme, jazz, électronica... Ce jeune homme a tout absorbé!

> Wilco, Yankee Hotel Foxtrot, 2002

Voilà l'album par excellence du groupe américain, que l'étiquette Reprise avait refusé de mettre en marché, croyant qu'il n'était pas assez grand public. Récupéré par Nonesuch, ce joyau de chansons rock fut le plus grand succès commercial de Wilco.

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