Pour un fan du fameux trompettiste, choisir cinq albums de Miles Davis est un exercice difficile. On en trouve près d'une vingtaine qui ont marqué l'histoire du jazz moderne! Voilà néanmoins cette humble sélection, choisie en toute subjectivité. 

Pour le jazz moderne, Birth of the Cool fut un grand bond en avant. Depuis le début des années 40, le bebop avait entrepris de transformer ce genre populaire en musique savante. Ainsi, Birth of the Cool rapprocha le jazz des musiques occidentales modernes, sans en dénaturer la forme et l'esprit originels. L'instrumentation s'y avérait des plus audacieuses, si bien sûr on se met dans le contexte de l'époque: trompette, trombone, tuba, cor, saxophones baryton et alto, piano, contrebasse, batterie, voilà qui était hors du commun.

Kind of Blue, dont on a commémoré le demi-siècle l'an dernier, est le point culminant des recherches modales de Miles Davis (marquées par des différences harmoniques très importantes par rapport au hardbop proéminent des années 50) et de la qualité exceptionnelle de ses collaborateurs en 1959: John Coltrane, Julian «Cannonball» Adderley, Bill Evans, Wynton Kelly, Paul Chambers, Jimmy Cobb. La propension à ce style modal de Miles était déjà tangible lorsque Kind of Blue fut créé; on l'avait observée sur les albums Milestone, Porgy and Bess et 1958 Miles. Or, Kind of Blue est devenu l'album le plus populaire de l'entière discographie du trompettiste. Un symbole crucial pour les mélomanes, bien au-delà des jazzophiles. N'est-ce pas le premier disque de Miles qu'on se procure encore aujourd'hui? Sinon le premier album de jazz tout court? Absolument. Et ce, pour les bonnes raisons.

Lancé en 1960, Sketches of Spain résulte de la collaboration entre Miles Davis et le grand arrangeur et chef d'orchestre Gil Evans. Le point de départ de cette oeuvre magistrale est le Concerto d'Aranjuez (Joaquin Rodrigo), autour duquel le trompettiste et l'arrangeur ont créé un jazz de chambre d'un raffinement exemplaire, tout en redéfinissant les paramètres du big band en lui conférant des éléments probants de musique contemporaine et/ou classique.

Lancé en 1967, soit la même année de l'incontournable Sorcerer, Nefertiti est le dernier album exclusivement acoustique de Miles Davis. Ces deux albums représentent à mon sens le point culminant de son fameux quintette des années 60. Le saxophoniste Wayne Shorter en signait les plus brillantes compositions, le pianiste Herbie Hancock y brillait par son jeu virtuose et sa créativité, le tout coiffé par une des plus formidables sections rythmiques de toute l'histoire du jazz moderne que formaient le batteur Tony Williams et le contrebassiste Ron Carter.

Enregistré en 1970, Bitches Brew demeure LE grand disque fondateur d'un jazz traversé par la pop culture de l'époque, par les rythmes du moment - rock, funk, etc. L'année précédente, il faut dire, l'album In A Silent Way avait pavé la voie à cet album mythique, où émergeaient des leaders de la nouvelle génération jazzistique. Usant (aussi) d'instruments électriques. Chick Corea, John McLauglin, Dave Holland, Joe Zawinul, Wayne Shorter et autres Herbie Hancock ont créé leurs propres véhicules à la suite de cette expérience fondatrice.