Un parfum de Marie Philippe, une couleur de Christiane Robichaud... Sophie Tremblay semble issue de cette lignée vocale. Pourtant, la jeune femme de 27 ans ne connaît pas ces chanteuses singulières qui ont marqué les années 70 et 80. Laissons-lui le soin de défendre Fleurs bleues, son premier album.

Elle a grandi dans une famille on ne peut plus normale de Saint-Gédéon, là où s'allongent les plus belles plages du Lac Saint-Jean. Encore adolescente, elle débarquait à Montréal chez ses soeurs aînées pour y étudier le chant jazz, plus précisément au Collège Marie-Victorin. Elle a poursuivi ses études de jazz à l'Université McGill jusqu'à la deuxième année, lorsqu'elle a remporté un prix d'interprétation au Festival en chanson de Petite-Vallée en 2002.

 

«J'étais un peu confuse à l'époque, je terminais mes années très jazz... On m'a fait des offres, mais je n'avais aucune idée de ce que je voulais être artistiquement.»

Sept ans de modestie et de persévérance ont été nécessaires à l'éclosion de ses Fleurs bleues: restos-bars, enseignement du chant, séances de studio... L'an dernier, elle décrochait le rôle d'Éponine dans la présentation des Misérables au Capitole de Québec, ce qui lui a permis de partager la scène avec entre autres Gino Quilico et Geneviève Charest. Elle remet ça cet été, d'ailleurs.

Sophie Tremblay ne se contente pas de ces honorables contributions au showbiz québécois. Une chanteuse de cette trempe se devait de prendre les choses en main si personne n'allait le faire pour elle. Opiniâtre, elle a obtenu un financement de Musicaction, a emprunté le reste d'une somme importante, a réuni ses complices, a mené à bout de bras ce projet qui pourrait finalement lancer sa carrière de soliste.

«Au début, explique-t-elle, je voulais que tout le monde participe à la création, mais puisque chacun avait ses engagements, j'ai composé et écrit... même si mes musiciens m'ont beaucoup appuyée dans ma démarche.»

Et pourquoi ces Fleurs bleues exhalent cette pop indie, somme toute assez raffinée?

«Parce que je viens de la pop, répond-elle sans hésiter. J'en suis venue à ce métier en écoutant des chanteuses à voix - Céline, Starmania, Luce Dufault, Isabelle Boulay, etc. Adolescente, c'est ce que je chantais. J'aurais étudié le chant pop si un programme d'enseignement avait existé, je me suis rabattue sur le jazz. Bonne affaire! Ça m'a ouvert l'esprit et mon interprétation a atteint un autre niveau. J'ai eu un coup de coeur en découvrant Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Dianne Reeves, Shirley Horn, Betty Carter, Nnenna Freelon, Nancy King, etc. Je suis restée proche du jazz, bien que j'aime toujours la chanson française.»

L'école du jazz

La plupart des accompagnateurs de Sophie Tremblay, sont d'excellents musiciens, instruits comme leur chanteuse, pour la plupart formés dans des facultés de jazz: Jonathan Cayer, claviers, Sébastien Pellerin, basse et contrebasse, Mark Nelson, batterie, Jon Day, arrangements et réalisation. Sophie Tremblay n'a que de bons mots pour les artisans de Fleurs bleues, particulièrement Jon Day: «Un grand talent qui a fait McGill en piano jazz, un gars de 28 ans originaire de Vancouver. Il a créé Exhibit B, sorti l'automne dernier. Excellent album.»

On écoute Exhibit B, on corrobore: ce Jon Day est doué. Indiscutablement. On vous reparlera de ce musicien, également auteur-compositeur-interprète. Non seulement a-t-il misé sur le niveau des musiciens cités par son employeuse, mais encore a-t-il fait appel à des cordes subtilement orchestrées (sous la direction de Philippe Dunnegan), des choristes de grande qualité (Monique Fauteux, Stéphanie Laliberté, etc.), des invités de choix (le guitariste Simon Angell, le bassiste Rémi-Jean Leblanc, etc.).

«Je m'entoure de musiciens de jazz, j'aime faire de la pop, ce sont mes deux amours finalement», résume la chanteuse.

Côté textes, Sophie en signe cinq sur ce premier album, mais elle travaille avec Fredric Gary Comeau, Martine Coupal, Henri Chassé. On apprendra en outre que la bande maîtresse de Fleurs bleues a été matricée à Nashville par un certain George Massenburg (Earth,Wind & Fire, James Taylor, Billy Joel, etc.), que Sophie avait connu dans un séminaire à McGill. «Il avait demandé des cobayes pour nous apprendre l'enregistrement, on avait fait alors la chanson Mes petites morsures. George l'avait tellement aimée qu'il en avait terminé la réalisation. Ce qui nous a menés à cette collaboration.»

Fleurs bleues, donc. Au fait, que justifie ces fleurs et leur couleur?

«Parce ça me représente bien, répond Sophie Tremblay. Cet album est un bouquet d'émotions dont la teinte principale me semble être le bleu. Ce n'est pas super hip, ce n'est pas sombre non plus. C'est de la douce mélancolie...»