Le musicien et DJ new-yorkais Moby surprend ses fans en annonçant la sortie, le 30 juin, de Wait For Me, son neuvième album, un an à peine après celle de Last Night. Aussi prompte que soit la parution de ce nouvel album posé et mélancolique, il est tout le contraire de son précédent, un voyage à travers le nightlife de sa ville.

Autour de la table de la chic suite de son hôtel du centre-ville, Moby se fait transparent et humble comme il l'a rarement été durant sa carrière. «Ma vie est d'une décevante sincérité, dit-il. Je fais de la musique dans ma chambre, je la rends disponible, et j'espère que les gens vont l'écouter. Je ne pense pas à l'argent, ni au marketing. Qu'on écoute ma musique en mp3, à la radio, grâce au CD ou à l'Internet, ça m'importe peu, du moment qu'on l'écoute.»

«L'industrie du disque s'effondre, observe le musicien, DJ et blogueur assidu. Or, la réaction des majors en général est de vouloir restreindre l'accès du public aux créations des artistes et de les punir de vouloir s'intéresser à leurs disques. Moi, la seule raison pour laquelle je fais de la musique, c'est pour que les gens l'écoutent.»

«Tu vois, poursuit-il, je recevais des courriels d'EMI me demandant de ne pas jouer mes chansons lorsque j'étais DJ, de peur qu'un fan enregistre la chanson, avec son téléphone portable, disons, et la mette sur l'Internet... C'est la chose la plus débile que j'ai jamais entendue.»

Bien sûr, c'est toujours EMI qui distribue les disques de Moby - au Canada du moins. Mais ce genre de demande a poussé le musicien new-yorkais à lancer sa propre étiquette, Little Idiot. «Aujourd'hui, j'accorde des licences au label (Mute, avec lequel il travaille toujours). Il prend ce que je lui donne.»

C'est une collection de chansons plutôt tranquilles qu'il a donnée à Mute - tout le contraire de Late Night paru il y a 15 mois seulement, un disque hommage au nightlife new-yorkais fait de rythmes house et techno. «J'aime la musique de club, mais je préfère composer de la musique contemplative, des chansons à écouter confortablement dans son salon.»

Un disque fragile

Dépouillé, enrobé de cordes synthétiques, conçu avec l'aide d'amis chanteurs et chanteuses pour la plupart inconnus, Moby offre un disque fragile de chansons pop aux mélodies qui pourraient évoquer celles de Play, l'album qui l'a mis sur la carte il y a 10 ans.

«C'est étrange parce que je réalise qu'un disque comme Play, à cause de son succès, ne m'appartient plus... Bien sûr, je me dis que tous les disques que j'ai faits depuis et que je ferai encore seront toujours comparés à Play. Mais si c'est le prix que je dois payer pour que les gens fassent encore attention à mon travail, qu'il en soit ainsi.»

«Le succès? Pour moi, ce fut un accident de parcours. Une erreur dans ma vie de musicien. J'ai étudié la musique classique, je viens du punk, j'ai joué dans des groupes punk, j'ai été un DJ hip hop, je suis né sur la scène rave et à cause de ça, les palmarès et les ventes de disques sont les dernières choses auxquelles je pense lorsque je fais de la musique.»

Rencontre avec David Lynch

À l'en croire, ce serait tout ce qu'il fait de sa vie. Ses disques durs renferment «environ 4000 ébauches de chansons - la majorité n'est pas assez bonne pour que je la sorte!» Toutes les chansons de Wait For Me ont été composées et enregistrées au cours des derniers mois, à la suite d'une sorte d'épiphanie provoquée par sa rencontre avec le cinéaste David Lynch, qui a ensuite réalisé le clip du premier extrait, Shot in the Back of the Head.

«David Lynch m'a rappelé que ma vie musicale est indépendante et underground. À New York, on parle trop souvent de la musique pour les mauvaises raisons - les ventes, les profits, notamment. C'est très idéaliste, ça ne fonctionne pas pour tout le monde, mais pour moi, c'est la seule façon de fonctionner.»