La tribu est enfin de retour: le groupe montréalais Colectivo a lancé il y a quelques jours son troisième album, toujours ska, reggae et latino, toujours en espagnol, français et anglais, toujours festif, foisonnant et chaleureux. Avec tout de même quelque chose de plus mûr, 10 ans après ses débuts et quelques confrontations avec la réalité, ici et au Mexique. Ça donne Tropical Trash.

Il y a quelques jours, le serveur sur lequel on peut acheter la version numérique de Tropical Trash a «planté» d'aplomb: trop de téléchargements en même temps! Car si on ne les voit pas à la télé, si leurs morceaux ne tournent pas à la radio, les musiciens de Colectivo ont leurs fidèles: les deux premiers albums, sans soutien médiatique, se sont vendus à 10 000 exemplaires. Pas mal pour un «combo» aussi coloré et épique que les fameux autobus collectifs (les «colectivos») qui sillonnent l'Amérique du Sud.

Il y a 10 ans, ils provenaient de groupes rock alternatifs (BARF, Overbass, Grim Skunk et compagnie) et sortaient en gang un premier disque bigarré (Hasta la fiesta... siempre, 2000). Il y a 5 ans, ils étaient 15 sur scène, ils donnaient des spectacles au Québec, en Ontario et au Mexique (7 tournées en 10 ans!) et ils sortaient leur deuxième disque (Especial, 2005). Les musiciens de Colectivo vivaient à fond leur rêve de faire une musique joyeuse, qui mêlait ska, reggae, rythmes latino, avec de l'accordéon et des cuivres en masse. Et puis...

Et puis, la façon de faire de la musique a changé: le groupe avait investi beaucoup pour concevoir le CD Especial à un moment où tout le monde se tournait vers internet. Et puis, il y a eu la bataille pour garder le nom de domaine de son site internet (qu'il a remportée). Mais surtout il y a eu la mort. Celle du guitariste et accordéoniste Sean Fox Fraser dans un accident de la route, en juin 2008. «Quand on a joué aux FrancoFolies en 2007, explique la très énergique Shantal Arroyo, on avait déjà composé deux nouvelles chansons, on était prêts à travailler au troisième album, on venait d'enchaîner trois tournées en trois ans au Mexique. Mais quand l'un d'entre nous est mort, ça nous a ébranlés. Certains ont décidé de prendre une autre orientation.»

Aujourd'hui, ils sont 10. «Et c'est toujours aussi compliqué, gérer l'emploi du temps avec une formation aussi nombreuse, poursuit-elle. En plus, on travaille sur deux territoires immenses, le Canada et le Mexique... C'est aussi pour ça qu'on a eu besoin de temps pour décider si on continuait ou non. Et on continue. Bon, on sait qu'on ne sera pas le prochain Shakira (rires), mais c'est correct!

«Tous nos textes sont inspirés par des anecdotes pas toujours belles qui nous sont arrivées au Mexique, reprend-elle. Les temps durs et La valse des bouffons, c'est pour parler des différences entre nos deux mondes, ici et là-bas, sans faire dans le pathétique ou le moralisateur, mais avec une petite critique de la façon dont nous agissons, nous les Nord-Américains.»

«La toune Tropical Trash, elle, est inspirée d'un snack à tacos où on aimait beaucoup manger, à Guadalajara, dit-elle. En revenant au Québec, on a lu dans le journal que c'était de la viande de chien qu'on mangeait. C'est pour ça que le gars qui fournissait la viande aux restos la vendait pas cher: parce qu'en fait, il ramassait tous les chiens du coin. D'un côté, c'est drôle, penser qu'on a mangé du chien; mais de l'autre, ça ne l'est pas, parce que ça révèle comment les gens sont obligés de se débrouiller pour survivre au Mexique.»

Non, ce n'est pas à cause de cette anecdote qu'une autre chanson s'intitule My Dog is Dead: «C'est la traduction littérale de l'expression québécoise «mon chien est mort», dit Shantal en riant, c'est pour parler de l'environnement, de la vie, de la façon dont nous agissons et des conséquences...»

Tout ça sur des musiques enjouées. Parce qu'il faut aussi danser, s'amuser, chanter, ça fait aussi partie de la réalité. Colectivo sera d'ailleurs en spectacle ces jours-ci, un peu partout au Québec. Idéal pour réchauffer l'hiver.

«Je dis toujours qu'on est le Buena Vista Social Club de Montréal, conclut Shantal Arroyo, on va avoir 70 ans et on va continuer! On est comme une vieille ligue de hockey de garage. La différence, c'est qu'on joue de la musique plutôt que du hockey. L'avantage, c'est qu'on ne perd jamais!»

Tropical Trash de Colectivo, en téléchargement numérique sur le (en format CD plus tard en février). En tournée au Québec en février. Infos sur le site.