Evan Parker, 67 ans, est un authentique pionnier du jazz contemporain, mais refuse de surfer exclusivement sur ce patrimoine.

Associé à la première frange du free jazz européen qui suivit de près la New Thing, fameux laboratoire américain de la musique improvisée au tournant des années 60, le saxophoniste, compositeur et improvisateur sévit surtout sur le Vieux Continent... bien qu'il fréquente le Nouveau Monde depuis belle lurette.

«Mon premier passage à Montréal remonte à 1978. J'avais été invité dans un musée montréalais d'art moderne par l'artiste visuel et mélomane Raymond Gervais, aussi associé à l'excellent magazine Parachute à cette époque», se souvient le musicien londonien et originaire de Bristol. Visiblement, la mémoire vive n'a pas décliné! Le disque dur risque en outre d'être utilisé à bon escient, ce soir et demain à la Casa del Popolo.

Ces concerts s'inscrivent dans le cadre d'une tournée répartie dans huit villes canadiennes: Toronto, Ottawa, Montréal, Québec, Rimouski, Fredericton, Moncton et Halifax, le tout coordonné par les Productions SuperMusique.

Ce lundi, Evan Parker se produira avec les musiciens canadiens de l'ensemble AIMToronto -Wes Neal, contrebasse, Joe Sorbara, batterie, Evan Shaw, saxophone alto, Nicole Rampersaud, trompette, Jean Martin, batterie, ordinateur; Tomasz Krakowiak, percussion. Mardi, des Montréalais associés à l'Ensemble SuperMusique se joindront à lui- Jean Derome, flûtes, saxes, objets, Joane Hétu, voix, saxophone alto, Danielle Palardy Roger, percussion, Martin Tétreault, platines. Le saxophoniste entamera ce deuxième programme montréalais par une prestation en solo.

Il résume les programmes:

«Il y a deux ans, j'ai joué en trio avec le noyau de l'ensemble torontois. Ces musiciens ont mis le temps nécessaire pour mettre sur pied un projet plus considérable. L'occasion est venue de nous lancer, tout en incorporant des interventions individuelles à ces propositions. Ainsi, je suis invité à collaborer à leur travail en tant que soliste.»

Quant au second soir avec Jean Derome, la surprise risque d'être encore plus grande pour Evan Parker:

«Je connais une part de la musique de Jean, nous avons échangé nos musiques respectives au fil du temps, mais je ferai la connaissance des autres musiciens sur place. Pour moi, de tels projets sont plus qu'acceptables, car la musique que je pratique relève d'une implication collaborative. Partout dans le monde, cette communauté de musiciens est ouverte à de nouvelles rencontres. Ces occasions sont idéales pour échanger de nouvelles idées.»

En progression lente depuis un demi-siècle, le jazz contemporain et ses extrapolations récentes joignent un public mélomane et pointu. Le buzz est toutefois assez considérable pour que la Casa del Popolo attire les fans d'Evan Parker deux soirs consécutifs.

Partout pareil?

«Tout dépend où vous vous trouvez. De nos jours, cette musique évolue très rapidement en Scandinavie, par exemple. Très vite aussi en Espagne et au Portugal, alors qu'on constate un ralentissement en Italie. La scène anglaise, elle apprend à vivre sans aucun financement public... Il est d'ailleurs étonnant que des musiciens viennent encore s'installer à Londres, la vie y est si chère! On peut donc comprendre que plusieurs choisissent plutôt Berlin. Cela dit, il y a encore de très bons échanges entre Paris, Berlin, Amsterdam, toujours les principales villes d'Europe pour cette musique.»

Quant à l'évolution formelle, elle est palpable, affirme notre interviewé.

«Je viens de la tradition du jazz contemporain, je suis heureux d'en provenir et de m'y replonger régulièrement, mais je crois aussi que j'explore d'autres avenues qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'idée qu'on se fait du jazz. Les choses ont beaucoup évolué au cours des dernières années, les musiques improvisées, contemporaines et électroacoustiques ont fait du chemin ensemble. L'accessibilité des nouvelles technologies, je crois, y est pour quelque chose.»

Ainsi, on ne peut plus vraiment réduire Evan Parker à l'étiquette de jazzman d'avant-garde. En témoignent ses participations récurrentes avec des artistes associés à d'autres mouvances comme l'excellent bassiste Squarepusher, associé à la musique électronique anglaise.

«Je vois mon propre cheminement comme une bibliothèque de possibilités, fait-il valoir. Il me faut toujours trouver la meilleure approche pour maximiser ma participation à chaque contexte de création. Mon travail consiste à trouver les réponses valables avec les outils qui me sont familiers. Trouver la combinaison idéale des matériaux sonores pour y parvenir.»

Cet homme qui cherche ne fait pas son âge, est-il besoin de l'ajouter.

- Le saxophoniste Evan Parker se produit lundi et mardi à la Casa del Popolo. Pour plus d'infos, cliquez ici.