Le metteur en scène Renaud Doucet et le concepteur de décors et costumes André Barbe signent une nouvelle production de La Cenerentola (Cendrillon) de Rossini, à l'Opéra d'État de Hambourg, un engagement prestigieux qui marque également leurs débuts en Allemagne. À l'issue de la première, le public de la métropole hanséatique a longuement ovationné chanteurs et chef d'orchestre, en plus de réserver un accueil chaleureux et enthousiaste au tandem montréalais.

Beau défi

Demandez à Renaud Doucet et à André Barbe, et ils vous le diront sans fausse modestie: le pari n'est jamais gagné d'avance. Travailler dans un nouveau théâtre, avec de nouveaux collègues, chanteurs, chef d'orchestre, mais aussi accessoiristes, techniciens de scène, et faire en sorte que tous ces gens provenant de cultures et d'horizons différents épousent peu à peu leur vision, cela relève presque de l'exercice de funambule.

«On a six semaines de répétitions, ça peut paraître long, mais au fond, c'est assez court. Il nous faut rapidement établir une collaboration avec tout le monde, trouver des solutions quand ça ne marche pas, sans perdre de vue l'objectif final. Cela ne se fait pas toujours sans heurts, mais quand on peut monter un spectacle dans des conditions comme celles-ci, avec une distribution de pareille qualité et un chef comme Antonello (Allemandi, spécialiste de l'opéra italien), on se considère comme choyés», a confié Renaud Doucet à La Presse, à quelques heures du lever du rideau.

Riche tradition

L'Opéra de Hambourg est dépositaire de l'une des plus riches traditions opératiques en Allemagne et en Europe, les premiers spectacles remontant à... 1678! Cette nouvelle mise en scène de La Cenerentola de Barbe et Doucet est la septième à être présentée par la maison depuis 1842. Dans pareil contexte, il n'est pas surprenant que le public hambourgeois éprouve fierté et fort sentiment d'appartenance envers son théâtre d'opéra, tout en ayant la réputation d'être quelque peu difficile à satisfaire. Le succès de cette nouvelle mouture témoigne de façon éloquente de la virtuosité avec laquelle l'équipe de création a relevé le défi, en créant un concept qui allie brillamment modernité et humour burlesque, sans pour autant s'égarer dans les gags faciles et superficiels.

Références contemporaines

Les décors et les costumes imaginés par Barbe replacent, quant à eux, l'action dans un avenir plus ou moins précis, mais les références très nettes à la crise financière mondiale des dernières années, à la culture américaine des années 50, à la téléréalité, ou encore à des films cultes du dernier siècle comme Metropolis de Fritz Lang ou Modern Times de Charlie Chaplin jouent simultanément sur plusieurs registres.

Au-delà du conte de fées, cette Cendrillon parle aussi - et peut-être surtout - de notre obsession pour la célébrité, pour le progrès technologique, renvoyant le mythe de la princesse-minute à des préoccupations autrement plus actuelles. «Un spectacle doit être lisible, mais il faut proposer au spectateur des niveaux de lecture distincts, l'interpeller de différentes façons à la fois, sans être hermétique ou lui dire quoi ou comment penser. C'est ainsi que j'envisage mon travail», a ajouté le metteur en scène.

Barbe et Doucet sont peut-être encore un secret (trop) bien gardé.