Avec son album précédent, Creep on Creepin' On (en lice pour le prix Polaris), Timber Timbre transportait l'auditeur dans un univers lugubre et halloweenesque. Avec Hot Dreams, le groupe nous convie à un songe hollywoodien seventies digne de David Lynch. Entretien avec le chanteur Taylor Kirk et son complice musical Simon Trottier.

Taylor Kirk a chanté dans une chorale d'église et il a étudié dans une école de cinéma, d'où le grand pouvoir évocateur de sa musique.

L'an dernier, la voix grave et solennelle du groupe Timber Timbre a passé plusieurs semaines dans le quartier de Laurel Canyon, en Californie, où se trouve la fameuse Mulholland Drive. «Cela m'a rendu nostalgique de l'époque où je voulais faire des films et d'une certaine période hollywoodienne qui m'a beaucoup intéressée durant mon adolescence», raconte-t-il.

Sur la pochette de Hot Dreams, lancé aujourd'hui, une photographie en noir et blanc présente un palmier, une décapotable et une côte sinueuse. Sans même avoir écouté la musique, on est plongé dans les années 70, dans l'imagerie de David Lynch et dans un certain mystère.

«Quand j'étais à Los Angeles dans le quartier Laurel Canyon, tout semblait un peu surréel, comme un rêve, une fantaisie. Comme si tout était un archétype et une image. Je pensais que c'était exotique et excentrique pour un Canadien comme moi, mais ce l'est pour tout le monde, en fait», explique Taylor Kirk de sa voix grave et langoureuse.

L'auteur-compositeur témoigne de sa fascination pour l'Amérique en parlant de paysages, de personnages et de scènes de motels, sur un fond d'accords de guitares westerns, de délicieux saxophones de films de série B (gracieuseté de Colin Stetson), de piano langoureux de bar et de mélodies qui donnent envie de se louer une décapotable pour aller vivre le grand rêve américain.

«America weren't you a miracle», chante Taylor Kirk sur la pièce This Low Commotion.

Le Banff Center

Au départ, Timber Timbre était le projet de Taylor Kirk. Au fil des années, il s'est entouré de collaborateurs fidèles, dont la violoniste Mika Posen (qui accompagne aussi Agnes Obel). Il coréalise cette fois-ci Hot Dreams avec Simon Trottier, qui s'est joint au groupe en 2009 après avoir rencontré Taylor à la Casa del Popolo, «le 18 août 2006», précise-t-il.

«Pour cet album, Taylor m'a proposé d'écrire les musiques avec lui, mais il fallait qu'il tranche à la fin, car je suis incapable de prendre des décisions. Quand je suis au volant dans un stationnement, je ne sais jamais quelle place choisir. Je suis effrayant», confie Simon Trottier.

Il y a un an, Simon Trottier et Taylor Kirk ont eu la chance d'aller faire une résidence au Banff Center. Situé dans les Rocheuses, au coeur du parc national de Banff, le prestigieux centre de création attire chaque année des milliers d'artistes de partout dans le monde.

La conclusion instrumentale de Hot Dreams, The Three Sisters, fait par ailleurs référence au nom du trio de sommets montagneux que le groupe voyait chaque jour de la fenêtre du centre. «Comme si ça traçait le chemin jusqu'à Laurel Canyon par le Grand Canyon», dit Taylor.

Simon et lui ont également passé du temps au National Music Centre de Calgary. «C'est un musée qui a une impressionnante collection de synthétiseurs, explique Simon Trottier. Le centre offre des résidences. Le chanteur Gotye y est allé avant nous.»

«La durée d'utilisation de chaque instrument était calculée pour des questions de préservation, poursuit Taylor Kirk. Mais il y avait trois ou quatre mellotrons auxquels nous revenions constamment.»

La ballade Run From Me illustre toute la palette sonore que peut explorer Timber Timbre. La pièce démarre par la simple mélodie d'un piano, puis le ton change à mi-chemin avec des accords folk jusqu'à une finale lumineuse à laquelle s'ajoutent des harmonies vocales d'opéra et une touche psychédélique.

«Cette chanson est la plus compliquée de l'album, confirme Taylor Kirk. Au départ, elle faisait même huit minutes. On faisait juste ajouter des couches, mais finalement, on a fait des coupures.»

Le plaisir d'un groupe rock

Hot Dreams mise sur un plus grand nombre de chansons structurées de façon traditionnelle avec des couplets et des refrains.

«Il y avait cette idée de créer un rock band et de proposer quelque chose de plus facile pour le public, souligne Simon Trottier. Nous voulions nous éloigner des adjectifs spooky et creepy qui collaient à notre dernier album.»

«Comme Taylor était très inspiré par la musique américaine de l'Ouest, Lee Hazlewood et Roger Miller, nos influences étaient là et l'évolution s'est faite naturellement», explique Simon Trottier.

Depuis quelques semaines, Timber Timbre a un plaisir fou à interpréter ses nouvelles chansons en spectacle avec le batteur Olivier Fairfield et Mathieu Charbonneau (The Luyas, Avec pas d'casque). «Même les anciennes chansons changent de vibe dans un registre moins éthéré. C'est un format rock très excitant pour nous», signale Taylor Kirk.

Hélas! Il faudra attendre le 19 septembre pour voir Timber Timbre à Montréal, sur la scène du Métropolis.

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ROCK. Timber Timbre, Hot Dreams, Arts & Crafts. En magasin aujourd'hui.