Comme au temps de Dutoit, voici un autre concert de l'Orchestre Symphonique de Montréal relié au disque. Le jeune pianiste autrichien Till Fellner est lancé par la marque allemande ECM dans une intégrale des cinq Concertos de Beethoven enregistrée live avec Kent Nagano et l'OSM. L'Empereur a été «mis en boîte» en mai dernier. Cette semaine, c'est au tour du quatrième Concerto.

Le tandem Beethoven-Fellner est la principale attraction de la soirée et explique cette salle presque comble. Pour le reste, Nagano reprend des pièces qu'il a dirigées il n'y a pas si longtemps, les répétitions des derniers jours ayant surtout porté sur le monumental Saint François d'Assise de Messiaen présenté la semaine prochaine.

 

Ce concert d'orchestre débute par une pièce sans orchestre: Syrinx, pour flûte seule, de Debussy. Denis Bluteau l'a jouée à l'OSM - ou plutôt sans l'OSM - aux «Mozart Plus» l'été dernier et Nagano a sans doute voulu faire plaisir à tout le monde en invitant cette fois le flûte-solo Timothy Hutchins - qui, il faut bien le reconnaître, va plus loin que son adjoint dans la délicatesse. On entend très exactement tout ce que Debussy demande: «En retenant jusqu'à la fin. Très retenu. Perdendosi».

Nagano reprend un autre Debussy récent: les Nocturnes, ou plus précisément les premier et deuxième, Nuages et Fêtes. Le troisième, Sirènes, est omis car il requiert des voix de femmes. À défaut de Sirènes, on a donc Syrinx. L'insistant cor-anglais de Nuages était particulièrement en relief hier soir et les cordes avaient un moelleux inhabituel. Et Fêtes créait encore un total contraste dans le rythme et le son.

Autre reprise: la suite de concert du ballet Le Mandarin merveilleux, de Bartok. C'est au moins la troisième fois, en trois ans, que Nagano s'attaque à cette partition. Cette fois, il semble avoir enfin saisi l'essence de ce drame sordide où il fait carrément hurler l'orchestre et le pousse ensuite vers un accelerando terrifiant.

L'après-entracte appartient à Till Fellner. Très élégant, très droit, très racé, le jeune Autrichien nous livre un Beethoven à son image. Jeu, pensée et expression, tout chez lui se marie avec une pureté égale au parfait silence qui règne dans la salle. Nagano maintient la même transparence au sein de l'orchestre quelque peu réduit.

Avant le concert, on a annoncé que Standard Life, qui commandite le Concours OSM depuis 1992, lui renouvelle son appui financier pour cinq autres années. On a aussi fait lever les musiciens de l'OSM qui furent lauréats de la compétition. La 69e «édition» du Concours OSM se tient présentement à McGill.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Timothy Hutchins, flûtiste, et Till Fellner, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20h. Série «Grands Concerts». PROGRAMME: Syrinx, pour flûte seule (1913) - Debussy Nuages et Fêtes, ext. de Nocturnes (1897-99) - Debussy Suite de concert du ballet A csodalatos mandarin, op. 19, Sz. 73 (1918-28) - Bartok Concerto pour piano et orchestre no 4, en sol majeur, op. 58 (1805-06) - Beethoven