Il faut bien le reconnaître, Anne-Sophie Mutter a volé la vedette hier soir à Rafael Frühbeck de Burgos et même à l'OSM.

Pour ses 75 ans, l'orchestre ramène ses anciens titulaires comme chefs invités et Frühbeck, qui a l'âge de l'orchestre, est de la fête, même si son mandat ici fut de très courte durée. Il a modifié son programme et commence par l'ouverture du Freischütz de Weber. D'une pièce trop souvent abordée au concert comme simple entrée en matière, il fait une sorte de petit opéra sans paroles où toute la forêt s'anime, avec ses mystères et ses esprits maléfiques. Ce sera la meilleure de ses trois prestations, toutes menées de mémoire.

Celle qu'on attendait paraît ensuite. Épaules nues et robe très moulante, comme toujours, mais, cette fois, nouvelle couleur: turquoise. Anne-Sophie Mutter reprend le Mendelssohn qu'elle avait joué à sa dernière visite ici, il y a 20 ans, ce Mendelssohn qu'elle vient aussi de réenregistrer après une première version réalisée il y a 25 ans.

 

Le premier mouvement est pris plutôt vite, tel qu'indiqué: «molto appassionato». On note quelques maniérismes ici et là, par exemple juste avant la cadence: Mutter avançant en âge ne peut s'en passer, semble-t-il. Une tenue de basson mène directement au mouvement lent, qu'assombrissent dramatiquement des doubles cordes appuyées et une corde de sol très nourrie. Le finale est éblouissant de vitesse et de précision tout à la fois, même que l'orchestre a parfois un peu de mal à suivre ce violon déchaîné.

La salle comble - et on annonce également presque complet pour ce soir - fait à la soliste une ovation à n'en plus finir.

L'après-entracte est un peu moins exaltant. Les Fontane di Roma, de Respighi, et les deux suites du Tricorne de Falla (titre français plus court!) font partie de la discographie de l'OSM et du répertoire de Frühbeck et on s'attendrait à un meilleur résultat. Les quatre tableaux du Respighi - deux paisibles encadrant deux exubérants - sont traduits au premier degré: l'ensemble manque de cette poésie qu'y mettait Dutoit. Le caractère loufoque et la vitalité rythmique du Falla sont là, mais l'orchestre comme tel est déséquilibré et beaucoup trop bruyant.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Rafael Frühbeck de Burgos. Soliste: Anne-Sophie Mutter, violoniste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20h. Série «Grands Concerts». Programme: Ouverture de l'opéra Der Freischütz (1821) - Weber Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64 (1844) - Mendelssohn Fontane di Roma, poème symphonique (1916) - Respighi Suites de concert du ballet El Sombrero de tres picos (1917-1919) - Falla