Yannick Nézet-Séguin et son Orchestre Métropolitain nous avaient donné la huitième Symphonie de Bruckner une première fois en janvier 2004 à l'église Saint-Jean-Baptiste. Ils la reprennent cinq ans après, en quatre concerts préparatoires à un enregistrement.

Le premier de ces concerts avait lieu lundi soir à la salle Wilfrid-Pelletier. Comme en 2004, le jeune chef choisit l'édition de Robert Haas, qui est un peu plus longue que l'édition, habituellement utilisée, de Leopold Nowak. On sait que Bruckner fit des coupures dans la plupart de ses symphonies, sur les conseils de certains chefs qui les jugeaient trop longues. Pour la huitième, l'édition Nowak reproduit la mouture finale de Bruckner, c'est-à-dire une partition amputée de quelque 150 mesures, principalement au dernier mouvement. Haas a rétabli ces passages.  

Les quelque 80+ minutes de l'édition Nowak font de la huitième la plus longue de toutes les symphonies de Bruckner. Avec les passages rétablis par Haas, avec aussi les grandes respirations brucknériennes qu'y prend Nézet-Séguin, et ce tout à fait dans l'esprit de cette musique, sa réalisation de l'oeuvre occupait, comme il y a cinq ans, une pleine heure et demie, sans entracte - plus exactement 92 minutes, dont le record de 31 minutes pour le seul Adagio.

 

Par ailleurs, et tout comme il y a cinq ans, Nézet-Séguin dirigeait de mémoire cette heure et demie de musique et cet orchestre augmenté à 85 musiciens. J'avais alors parlé de son «immense» Bruckner. Mon impression est la même et j'y ajoute d'autres considérations, la plus significative étant la force de concentration qu'en dépit d'un horaire de plus en plus turbulent notre génial jeune chef parvient à conserver et à communiquer à ses musiciens et, par le fait même, à l'auditoire entier.

 

Concernant l'exécution même, il est évident que le Métropolitain ne possède pas tout à fait cette plénitude sonore de l'OSM, à la tradition beaucoup plus longue (il donna la première ici de ce même Bruckner en 1959, il y a donc 50 ans!). Et pourtant, le résultat était bien proche du «modèle». Ma seule réserve s'appliquerait aux cuivres un peu stridents. La foudroyante virtuosité des deux timbaliers est à signaler, comme le sont, tout à l'opposé, les trémolos mendelssohniens du Scherzo.

 

Le silence absolu de l'auditoire - pas le moindre applaudissement avant la toute fin; à peine quelques toux - était digne de cette musique de haute spiritualité. Nous étions dans un autre monde. Il y a des soirs - lundi, par exemple - où ce qui se fait en musique au Métropolitain est tellement plus vrai que ce qui se passe à l'autre orchestre, et ce à tous les niveaux: le chef, l'orchestre, l'auditoire. La différence était d'autant plus frappante que l'événement de lundi se déroulait dans la salle même où l'«autre» se produit habituellement.

 

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Lundi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Reprises: auj., 19h30, église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs (Verdun); jeu., 20h, Cégep Marie-Victorin (Rivière-des-Prairies); lun., 20h, église Saint-Nom-de-Jésus (Hochelaga-Maisonneuve). Programme: Symphonie no 8, en do mineur (1884-1890) - Anton Bruckner, édition Robert Haas (1939)