Le nom de Lang Lang avait rempli la salle Wilfrid-Pelletier mardi soir. Autant on se réjouit qu'une vedette attire au concert un tout nouveau public, autant on regrette que ce nouveau public ne bénéficie pas d'une certaine initiation aux habitudes du concert. Car il ne faudrait pas que l'OSM, en visant de nouveaux auditeurs, risque de perdre ceux qu'il a déjà.

Ces applaudissements entre les mouvements, par exemple, perturbent le déroulement de l'oeuvre et la concentration des musiciens et des auditeurs au point que je comprends les gens qui préfèrent rester chez eux et écouter des disques. Mardi, on a applaudi non seulement après chaque mouvement du troisième Concerto de Prokofiev mais après chacun (!) des 10 mouvements de la suite de Roméo et Juliette, ce qui explique, en partie, que le concert se soit terminé à 22 h 15.

Quant aux tousseurs qui ont bruyamment participé à l'événement, peu importe qu'ils soient nouveaux venus ou habitués: ils auraient dû avoir la décence de sortir de la salle.

Soirée plutôt pénible, donc, surtout que ce qui nous parvenait de la scène n'était pas précisément transcendant.

Lang Lang a joué sa demi-heure de Prokofiev avec la technique étincelante que l'on sait. À cet égard, je lui donne 10 sur 10. Mais il manquait à ses deux Allegros la force écrasante d'une Argerich, par exemple, et les variations du mouvement lent central glissaient souvent dans le maniérisme. Ici et là, Prokofiev indique un absolu: «delicatissimo». Lang Lang parvient à en rajouter.

Mais le pire était à venir. Ovationné par la foule debout, le petit pianiste chinois a ajouté un rappel: l'Étude op. 25 no 1 de Chopin, complètement défigurée par des rubatos à n'en plus finir. Ce qui augure très mal du récital qu'il nous réserve pour dimanche.

Dans le concerto, le chef invité Andrew Litton l'a suivi à la seconde (il y eut quelques éclaboussures chez les cors cependant). De Prokofiev encore, M. Litton dirigeait après l'entracte sa propre suite du ballet Roméo et Juliette. C'est la nouvelle mode chez les chefs: au lieu de choisir l'une des trois suites préparées par le compositeur, ils font leur propre agencement. Celui de M. Litton, qui fait 42 minutes, a pour toute originalité de faire entendre les pages familières dans un ordre différent. Pour l'ensemble, une solide exécution.

En début de concert, l'orchestre reprenait la pièce de Michel Longtin, ...et j'ai repris la route, qu'il créait en 2006. On se demande pourquoi. Longtin sait faire sonner un orchestre avec éclat, mais il n'a rien à dire. Et il le dit pendant 23 longues minutes.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité : Andrew Litton. Soliste : Lang Lang, pianiste. Mardi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Grands Concerts».



Programme :

...et j'ai repris la route (2006) - Longtin

Concerto pour piano et orchestre no 3, en do majeur, op. 26 (1917-21) - Prokofiev

Suite de concert du ballet Roméo et Juliette, op. 64 (1935-36) - Prokofiev, arr. Litton