L'Atelier d'opéra de McGill avait monté The Rake's Progress une première fois en 2002. Non seulement la distribution de cette année réunit-elle, forcément, de nouveaux sujets, mais la mise en scène et la direction musicale sont également nouvelles. Le Stravinsky de 2002 avait été réussi; de même, celui de cette année.

Cette Carrière du libertin - pour reprendre le titre français donné au principal opéra de Stravinsky - raconte le triste cheminement d'un certain Tom Rakewell (on notera le calembour sur le nom de famille). Un inconnu, Nick Shadow (qui n'est autre que le Diable), lui apprend qu'il a hérité d'une immense fortune, l'arrache à sa fiancée et l'entraîne à Londres où, sombrant dans la débauche, il est ruiné et perd jusqu'à la raison.

 

S'inspirant de gravures du XVIIIe siècle, Stravinsky utilise ici un langage musical rappelant celui de l'époque. Les élèves de McGill réunis pour cette production - une seule distribution pour les trois représentations - se sont montrés à la hauteur de la tâche, et ce à tous les égards: mémorisation du très long texte anglais, exécution vocale, vérité du jeu.

Un interprète se détache nettement de l'ensemble et vaut finalement tout le spectacle: Philippe Sly, en Nick Shadow portant tricorne et verres fumés et bougeant avec la rapidité d'un serpent. La voix de baryton et l'aisance en scène sont déjà celles d'un grand professionnel. Étonnant.

Véronique Coutu joue avec naturel la fiancée, Anne Trulove, et confère une sorte de grandeur mozartienne à son principal air, «No word from Tom». Rakewell est joué et chanté avec intensité par Frank Mutya et Rihab Chaieb, au grave de contralto, est amusante en Baba the Turk, la femme à barbe. Gordon Bintner montre un beau timbre dans un petit rôle, la voix de Jaime Sandoval est un peu aigre et Jaakob Palasvirta est le seul élément vraiment faible de la distribution.

La soirée (deux heures et demie, entracte compris) n'est pas sans longueurs, mais les tableaux masqués, au lupanar et à l'asile, sont très vivants et très colorés et la mise en scène est, dans son ensemble, convaincante. Les décors très stylisés sont déplacés par les chanteurs et l'orchestre est généralement solide.

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THE RAKE'S PROGRESS, opéra en trois actes et un épilogue, livret de W. H. Auden et Chester Kallman, musique d'Igor Stravinsky (1951). Production: Atelier d'opéra de l'Université McGill. Pollack Hall de McGill. Mise en scène: David Lefkowich. Décors: Vincent Lefèvre. Costumes: Ginette Grenier. Orchestre symphonique et Choeur de McGill, dir. Julian Wachner. Avec surtitres français et anglais. Première mercredi soir. Reprises auj. et dem., 19h30.