Tosca est une oeuvre extraordinaire. Il faut réduire quelque peu cet absolu pour décrire la nouvelle production de l'Opéra de Montréal. Ordinaire est le mot qui convient le mieux à ce que nous avons vu et entendu samedi soir à la prima.

En fait, le principal interprète ici est le metteur en scène, le Canadien Michael Cavanagh. On sent sa présence à chaque instant - une présence parfois efficace et imaginative, mais trop souvent gauche et envahissante. Au premier acte, l'entrée dans l'église de Scarpia et ses huit sbires, tous vêtus de noir, est assez impressionnante. Au deuxième acte, dans l'appartement de Scarpia, ces mêmes agents de police assis tout autour de la pièce gênent et donnent à l'entretien de Scarpia et Tosca un sens qu'il n'a pas chez Puccini. Au surplus, qu'est-ce que viennent faire chez Scarpia ces deux bonnes soeurs aperçues parmi les fidèles au premier acte?... Au troisième et dernier acte, qui nous transporte sur la plateforme du Château Saint-Ange, il n'y a aucun lien logique entre l'irruption des gardes poursuivant Tosca et la course de celle-ci vers le sommet. On dirait que les gardes veulent donner à Tosca tout le temps voulu pour se jeter dans le vide, parce que cela est écrit dans la partition!

Des trois interprètes principaux, le baryton américain Greer Grimsley est le seul qui soit assez convaincant. Sa voix est toujours solide, sa passion pour Tosca et sa volonté de briser Cavaradossi ne laissent aucun doute. Mais on voudrait ce Scarpia plus sinistre, plus terrifiant, comme l'incarnaient Tito Gobbi ou George London.

La soprano germano-italienne Nicola Beller Carbone est une belle Tosca : on comprend Scarpia de la désirer. Elle est plus... ordinaire aux plans vocal et dramatique. Elle joue bien les jalouses au premier acte, mais ses meilleurs moments, comme chanteuse et comme actrice, se situent au deuxième acte, où elle cherche de toute évidence à imiter Callas.

David Pomeroy, ténor canadien, est un pitoyable Cavaradossi. Son air du premier acte découvre une voix grossière et une ignorance totale du phrasé; son air du troisième acte est plus écoutable. Et le jeu? Il n'y a même pas lieu d'en parler.

Chez les comprimari, un seul nom à signaler: Alexandre Sylvestre, Sacristain comique, avec de la voix. Les décors de Jean-Pierre Ponnelle, en location de San Diego, sont beaux - surtout celui de l'église, bien que le portrait de Marie-Madeleine auquel travaille le peintre fasse plutôt penser à une couverture de magazine. Les costumes sont à l'avenant. Paul Nadler et l'Orchestre Métropolitain se contentent d'accompagner, sur un tempo généralement trop lent. Violoncelles très faux au troisième acte, choeurs efficaces.

Dans la salle presque comble - 2700 personnes -, on remarquait le ministre des Finances, Raymond Bachand, et Nicole Lorange, qui était Tosca au spectacle de lancement de l'Opéra de Montréal, en 1980.

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TOSCA, opéra en trois actes, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d'après le mélodrame La Tosca de Victorien Sardou, musique de Giacomo Puccini (1900). Production: Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première samedi soir. Autres représentations: 3, 6, 8 et 11 février, 20h, et 13 février, 14h. Avec surtitres français et anglais. Distribution: Floria Tosca : Nicola Beller Carbone, soprano Mario Cavaradossi : David Pomeroy, ténor Scarpia : Greer Grimsley, baryton Angelotti : Stephen Hegedus, baryton Le Sacristain : Alexandre Sylvestre, basse Spoletta : Aaron Ferguson, ténor Sciarrone : Roy Del Valle, baryton Le Geôlier : Pierre Rancourt, baryton Le Berger : Suzanne Rigden, soprano

Mise en scène: Michael Cavanagh Décors : Jean-Pierre Ponnelle (location, San Diego Opera) Costumes : Malabar et Opéra de Montréal Éclairages: Anne-Catherine Simard-Deraspe Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain Direction musicale: Paul Nadler