La Montréalaise Aline Séguin a réalisé son plus grand rêve, hier soir. À 105 ans, pour la première fois de sa vie, elle a assisté à un spectacle de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM). Avant la présentation, elle a même pu s'entretenir avec le maestro Kent Nagano, qui lui a dédié la soirée.

Le 24 décembre, La Presse vous avait présenté Mme Séguin, qui habite dans une résidence pour personnes âgées du nord de la métropole. Pour Noël, la dame formulait trois souhaits, dont celui de voir M. Nagano en action.

Mme Séguin adore la musique classique. Ces airs lui rappellent son premier mari, qu'elle dit avoir «tellement aimé». «Il nous disait, parfois, le soir: «Venez vous asseoir. Je vais vous faire un spectacle.» Et il nous mettait des disques d'opéra et de musique classique», raconte Mme Séguin.

Touché par l'histoire de Mme Séguin, l'OSM l'a invitée, hier soir, pour voir le violoniste Vadim Repin à l'oeuvre aux côtés de M. Nagano. La Presse a pu assister en exclusivité à cette soirée.

En quittant sa résidence à bord de la voiture de la bénévole de l'OSM Hélène Meloche-Côté, Mme Séguin était fébrile. «J'ai fait de la relaxation hier et aujourd'hui», a-t-elle dit.

Vêtue de son plus beau manteau de laine bleue et de son chapeau de fourrure assorti, la centenaire se trouvait bien chanceuse de vivre pareille expérience. «Je ne mérite pas d'être chanceuse comme ça. Si vous voyiez tous ces gens malades où j'habite!»

À son arrivée à la Place des Arts, Mme Séguin, accompagnée de sa fille Hélène, a été dirigée vers le salon vert. En voyant le photographe de La Presse, Mme Séguin a aussitôt replacé ses cheveux en s'exclamant: «J'ai jamais été une vedette comme ça! Pourquoi ça m'arrive à 105 ans!»

Le maestro Nagano a ensuite fait son entrée. «Oh, mon Dieu! C'est vous, le beau petit Nagano!» a lancé Mme Séguin.

Le chef a souhaité la bienvenue à Mme Séguin et lui a annoncé qu'il lui dédiait son spectacle. «Vous aimez la musique?» a-t-il ensuite demandé. «Oui. Mais juste la belle», a répondu Mme Séguin. «Tant mieux. On ne fait que de la belle musique ici!» a répliqué M. Nagano en rigolant.

Le chef s'est ensuite dit surpris de savoir que son invitée avait 105 ans. «Vous avez l'air d'en avoir 70!» a-t-il déclaré. «Vous êtes trop généreux. Je dirais plutôt 95!» a dit sans hésiter la centenaire.

M. Nagano a expliqué à Mme Séguin que de sa loge, elle verrait très bien l'orchestre. «Si vous n'êtes pas contente du spectacle, faites-moi signe et je vais essayer de faire mieux», a soufflé M. Nagano avant de se lever. «Bon concert, là. Ne vous fatiguez pas trop», a salué Mme Séguin.

En prenant place dans sa loge, Mme Séguin ne cessait de regarder les musiciens. Elle serrait constamment la main de sa fille en disant. «Merci... Merci... C'est si beau...»

Puis les premières mesures se sont fait entendre. Mais Mme Séguin semblait distraite. Elle touchait le sol de sa main. Elle semblait chercher quelque chose. Au bout d'une minute, elle s'est retournée: «Avez-vous vu ma sacoche?» a-t-elle demandé en poursuivant sa fouille alors que l'orchestre jouait doucement.

Au bout de quelques minutes, Mme Séguin a levé triomphalement son sac à main. Le regard pétillant, elle a embrassé la main de sa fille en disant: «Bon! Là, je vais pouvoir me concentrer.» Au même moment, l'orchestre a entamé une montée. Mme Séguin s'est enfoncée dans son fauteuil. Le souffle coupé, elle a lâché un soupir de bonheur.

Après la première partie, le maestro Nagano s'est tourné vers la loge. Mme Séguin regardait ailleurs. Mais le maestro n'a pas à être inquiet. À l'entracte, Mme Séguin n'avait que de bons mots sur son expérience. «Je suis médusée. C'est extraordinairement beau. Ça dépasse tout ce que j'aurais rêvé dans ma vie.» Questionnée pour savoir si elle allait revenir à l'OSM, Mme Séguin a répondu du tac au tac. «Oui. Mais incognito!»