Je ne peux plus entendre les Quatre Saisons de Vivaldi: je les ai trop entendues. Si j'y suis allé hier soir, c'était, je l'avoue un peu perfidement, pour échapper à un autre concert de musique ancienne. Avec Vivaldi, je me retrouvais quand même en territoire connu. Je m'ennuierai sans doute un peu, me disais-je, mais tant pis!

Surprise totale: loin de m'ennuyer, j'ai trouvé l'exercice stimulant et même divertissant.De prime abord, l'affiche d'Arion manquait singulièrement d'originalité: encore les Quatre Saisons!... Deux heures plus tard, on s'inclinait: c'était une idée géniale. Parce qu'Arion les avait confiées à un jeune chef et violoniste italien, Stefano Montanari, qui propose une lecture absolument renouvelée de l'archifamilière partition.

Montanari n'est pas le premier à «revisiter» ainsi les Quatre Saisons: son compatriote Giuliano Carmignola le précéda à cet égard, d'autres aussi. Mais laissons là les comparaisons: ce que nous avons vu et entendu hier soir est plus que satisfaisant.

Petit, chauve, plutôt beau garçon, habillé très simplement de noir, Montanari pourrait sortir d'un film italien. Le violon semble le prolongement de son bras; il le caresse et en joue comme il respire, avec une vélocité à couper le souffle, et entraîne dans son aventure les 14 musiciens d'Arion, manifestement heureux de cette visite rafraîchissante.

Dans la salle presque comble, même étonnement. Les gens sont venus écouter leurs chères Quatre Saisons et les découvrent sous un jour complètement nouveau.

Et en quoi les Quatre Saisons de Montanari sont-elles donc si nouvelles? Circulant à l'avant-scène au milieu des musiciens, qu'il dirige en jouant tout en souriant au public, l'invité applique jusqu'aux limites du musicalement acceptable les notions d'improvisation qu'autorise la tradition baroque.

Il ornemente abondamment, surtout les mouvements lents, modifie tempi, accents, dynamiques et valeurs de notes, suspend brusquement le discours, ajoute trilles et appoggiatures, crée certains effets en jouant volontairement un peu faux, commande à l'ensemble des tutti qui claquent ou explosent, et joue beaucoup sur les couleurs. Ainsi, les pizzicatos bien marqués du mouvement lent de L'Hiver imitent le clapotis de la neige mouillée. Comble de l'originalité: Montanari enchaîne chaque concerto au suivant par une longue cadence.

Il reçut une ovation monstre et donna un rappel: le mouvement lent d'un concerto de Tartini. La première moitié de ce programme tout-Vivaldi comprenait une ouverture (ou sinfonia) d'opéra établissant déjà le ton d'improvisation de la soirée, un concerto pour violon où l'invité se révélait déjà grand soliste, et un concerto pour flûte que la directrice d'Arion, Claire Guimond, n'avait pas choisi parmi les meilleurs.

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ORCHESTRE BAROQUE ARION. Chef invité: Stefano Montanari, violoniste. Hier soir, salle Pierre-Mercure; reprise ce soir, 20 h.

Programme consacré à Antonio Vivaldi (1678-1741): Sinfonia de l'opéra Dorilla in Tempe, R. 709

Concerto en sol mineur pour flûte et cordes (La Notte), R. 439

Concerto en fa majeur pour violon et cordes (Per la solennità di San Lorenzo), R. 286

Le Quattro Stagioni, pour violon et cordes, R. 269, 315, 293 et 297