Janina Fialkowska jouait le Carnaval de Vienne de Schumann hier soir, salle Maisonneuve, au dernier concert de Pro Musica. L'ex-Montréalaise d'origine polonaise, qui a eu 59 ans vendredi dernier, avait joué la même oeuvre dans la même salle le 22 mars 1979, l'invitée cette fois du Ladies' Morning. Elle avait alors 27 ans.

Le récital d'il y a 31 ans avait été assez mauvais pour me faire souhaiter - et je l'avais écrit - ne plus jamais avoir à écouter cette pianiste. La tragédie bouleversa ensuite sa vie et sa carrière. Ainsi, l'impossibilité de se servir de son bras gauche (atteint d'une tumeur cancéreuse) et l'obligation de transposer pour la main droite le répertoire de main gauche. Je me rappelle, par exemple, sa courageuse et étonnante exécution, à l'OSM, du rare Concerto pour la main gauche de Prokofiev tel qu'adapté par elle-même à la main droite. Graduellement, Janina Fialkowska recommença à jouer normalement des deux mains et nous valut, au concert et au disque, d'excellentes prestations, au plan musical comme au plan technique.

Phénomène fort étrange que je ne cherche pas à comprendre, j'ai retrouvé hier soir chez la pianiste les mêmes défauts qu'il y a 31 ans, et que je résumerai en quelques mots: bien des fausses notes et peu de pensée musicale.

Elle commence par deux Mozart... et autant de mauvais choix: a) on ne comprend pas l'intérêt de jouer la Fantaisie K. 475 sans la Sonate K. 457 qu'y greffa le compositeur; b) les 12 Variations sur Ah, vous dirai-je, Maman sont extrêmement difficiles, parce que pleines de petits pièges, et donnèrent assez de mal à la pianiste pour faire souhaiter qu'elle renonce à ce répertoire.

Revenant 31 ans plus tard, le Schumann (titre original ci-après) possède une certaine puissance pianistique, mais le caractère n'y est pas vraiment. Ainsi, on attend en vain cette grande fièvre romantique qui balaie l'Intermezzo. Pour l'ensemble, le niveau est celui d'une écolière - une écolière de 59 ans!

Un groupe Chopin suit l'entracte (pour le bicentenaire, comme le Schumann). Encore bien des fausses notes ici et là et, curieusement, un rubato très prononcé, comme peu de pianistes s'en permettent aujourd'hui. Seule pièce du groupe à sortir indemne de cette «rétrospective», le rare Nocturne op. 62 no 1 se déroule sans erreurs et dans une mise en place assez poétique.

Avec sa distinction de toujours, Janina Fialkowska annonce Chopin en rappel, mais sans préciser qu'il s'agit de la Valse op. 34 no 3.

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JANINA FIALKOWSKA, pianiste. Hier soir, salle Maisonneuve de la Place des Arts. Présentation: Société Pro Musica.

Programme:

Fantaisie en do mineur, K. 475 (1785); Variations sur Ah, vous dirai-je, Maman, K. 265 (1778) - Mozart

Faschingsschwank aus Wien, op. 26 (1839) - Schumann

Polonaise op. 26 no 1, Valse brillante op. 34 no 1, Valse op. 64 no 2, Nocturne op. 62 no 1, Préludes op. 28 nos 8 et 17, Scherzo no 2, op. 31 - Chopin