La première pièce au programme est méconnaissable. Le problème, ce n'est pas que Cinzia Bartoli joue une Mazurka de Chopin différente de celle qui est annoncée, c'est-à-dire l'op. 7 no 3 (en fa mineur) au lieu de l'op. 7 no 4 (en la bémol majeur). Le problème, c'est que ce qu'on entend est tellement plein de distorsion, avec des accents tous déplacés les uns après les autres, que l'on croit d'abord à un gag.

Les choses se tasseront un peu par la suite. Un peu.

La pianiste italienne totalement inconnue que la Maison Trestler invitait hier soir est une fort belle et fort aimable personne avec qui nous avons pu causer après le récital. Mais la nouvelle venue est aussi une pianiste très moyenne... en fait pas très bonne. Le programme la dit professeur. Je dirais plutôt qu'elle a encore besoin de quelques leçons.

Le grand problème, chez elle, en est un de coordination entre les deux mains. Je n'ai jamais entendu une chose pareille: les deux mains qui ne sont pas parfaitement ensemble, et ce pendant presque toute la durée du récital. Un voisin de dernière rangée me réplique naïvement: «Comment pouvez-vous le savoir? Vous ne la voyez pas!» Comme si cela ne s'entendait pas!

Bien que très minime - une question de fraction de seconde -, le décalage est réel et évoque ces enregistrements un peu boiteux de rouleaux de piano mécanique affectés d'une perforation irrégulière. Il y a donc là une multiplicité de notes, que la pianiste distribue d'un bout à l'autre du clavier avec une application qui devient laborieuse, mais entre lesquelles elle ne parvient pas à créer une véritable cohésion. On dirait un puzzle dont les pièces ne sont jamais parfaitement soudées les unes aux autres de façon à former une image.

Impossible, dans ces conditions, de parler d'interprétation, qu'il s'agisse de la première Ballade et du deuxième Scherzo de Chopin ou encore de Gaspard de la Nuit de Ravel.

Un bon point chez la pianiste: une réelle puissance sonore, avec des basses plantées avec solidité.

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CINZIA BARTOLI, pianiste. Hier soir, Maison Trestler de Vaudreuil-Dorion. Commentaires: Dominique Morel.