C'est soirée Tchaïkovsky à l'Orchestre Symphonique de Montréal. La salle est presque remplie et l'enthousiasme est total, même si l'exécution est loin d'être parfaite. En fait, on sent plus de plaisir de ce côté-ci de la rampe que de l'autre.

Tout se passe bien pendant les 23 premières minutes, c'est-à-dire pendant l'ouverture-fantaisie Roméo et Juliette. Le Russe Dmitry Sitkovetsky, qui remplace son compatriote Mikhaïl Pletnev dans ce programme de leur pays, a préparé cette page avec un soin évident. Il y fait bien ressortir ce qui est confié aux cordes, aux cuivres, aux bois et aux timbales tout en réalisant une convaincante synthèse, d'abord rêveuse, puis dramatique, de tous ces éléments.

Vient ensuite le premier Concerto pour piano, avec André Laplante en soliste. À 60 ans, Laplante n'a rien perdu des moyens pianistiques qui lui valurent un prix important à Moscou il y a plus de 30 ans. Le souffle et le son que réclame le concerto le plus populaire du répertoire sont bien là et les fausses notes - car on en compte un  bon nombre - n'ont rien à voir avec un manque de technique. Elles sont attribuables à un malaise évident. Laplante ne peut s'abandonner à l'interprétation parce qu'il est mal encadré. On note des fautes dans l'orchestre et des décalages dans l'accompagnement. Au dernier mouvement, pris à un train d'enfer, c'est à se demander qui jouera le plus vite: le piano ou l'orchestre.

Que M. Sitkovetsky soit un bon violoniste, cela n'en fait pas un chef d'orchestre. D'accord, il réussit la pièce d'entrée. Mais il n'arrive pas à suivre le pianiste et, après l'entracte, s'attaque à un chef-d'oeuvre, la cinquième Symphonie, qui s'avère hors de sa portée. Le rôle abusif qu'il donne aux cuivres crée un déséquilibre dans l'orchestre, les détails de contrepoint qu'il fait ressortir sont gratuits et l'ensemble se ramène finalement à une lecture bruyante qui soulève la foule. Les moments de vraie musique qu'on en retient sont les solos de quelques piliers de l'OSM: Zirbel au cor, Crowley à la clarinette et leur cadet Lévesque au basson.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Dmitry Sitkovetsky. Soliste: André Laplante, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise demain soir, 20 h. Série «Grands Concerts».

Programme consacré à Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1840-1893):

Ouverture-fantaisie Roméo et Juliette (1869-80)

Concerto pour piano et orchestre no 1, en si bémol mineur, op. 23 (1874-75)

Symphonie no 5, en mi mineur, op. 64 (1888)