En attendant d'élire domicile dans la nouvelle salle (comme l'OSM et plusieurs autres), les Violons du Roy s'installent pour la présente saison à la St. James United Church. C'est, rue Sainte-Catherine près Saint-Alexandre, le vieux temple méthodiste où Denis Brott présente depuis quelques années son Festival de musique de chambre.

À moitié rempli hier soir, le vaisseau de quelque 1000 places réparties sur deux niveaux est idéal pour ce répertoire intime. Un orchestre n'y est pas aussi à l'aise, surtout lorsqu'il est augmenté de 14 à 31 musiciens, comme c'est souvent le cas chez Bernard Labadie, et hier encore.

À l'avant, l'orchestre sonne carrément trop fort. En même temps qu'elle souligne les moindres détails de jeu, la grande proximité a un effet de durcissement sur le son. À l'arrière, où j'ai finalement trouvé refuge, la qualité sonore est plus équilibrée et plus naturelle.

Par ailleurs, le même problème d'éclairage affecte l'avant et l'arrière: Marie-Nicole Lemieux, la soliste du concert, a chanté presque continuellement dans une gênante demi-obscurité.

Labadie lui avait confié sept airs et son nom figurait sept fois dans la page-programme, avec, en regard des sept mentions du nom, le mot «contralto» dans les deux langues: c'est-à-dire «contralto» pour les francophones et «contralto» pour les anglophones.

On s'est donc fait dire 14 fois, dans la même page, que Marie-Nicole Lemieux était contralto. Plus de raison, dorénavant, d'en douter! Et pourtant, je ne suis pas encore parfaitement sûr d'écouter une vraie voix de contralto. Hier soir, j'écoutais un grand mezzo, dont la puissance, la richesse, la virtuosité, la souplesse et la justesse sont égales sur toute la tessiture, mais dont le grave ne possède pas encore la pleine couleur d'un authentique contralto.

Marie-Nicole Lemieux a chanté sept airs dont le très connu «Che faro» de l'Orfeo ed Euridice de Gluck. Du même, le plus rare Iphigénie en Aulide était représenté par l'invective de Clytemnestre aux dieux. D'un contemporain de Gluck, Carl Heinrich Graun, on entendit un air de Montezuma. D'autres raretés encore: L'Isola disabitata de Haydn et le Mitridate d'un Mozart de 14 ans. Les deux célèbres compositeurs revenaient ensuite avec, respectivement, une page du rare oratorio Il Ritorno di Tobia et l'air de concert Ombra felice. En rappel, la chanteuse offrit un autre Mozart, le «Voi che sapete» des Nozze di Figaro.

Sur l'interprétation même de toutes ces pages, peu à dire. Marie-Nicole Lemieux se concentre presque exclusivement sur la voix, se limitant, pour le reste, à une expression uniformément tendue, voire superficielle, qui revient d'air en air.

Couverte de noir en première partie, elle apparut épaules nues après l'entracte, révélant ainsi, et sans doute inconsciemment, les secrets de la gymnastique requise pour la production de certaines notes.

Labadie et l'orchestre complétaient le programme avec quelques ouvertures et une Surprise de Haydn pleine de contrastes et de subtilités.

LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Marie-Nicole Lemieux, mezzo-soprano. Hier soir, St. James United Church.