Un concert pleinement convaincant du début à la fin, chose très rare de nos jours! Et pourtant, il est long, ce concert: il dépasse 22 h 30. Mais on en rapporte l'impression d'avoir été vraiment quelque part, d'avoir vécu cette évasion que doit procurer une telle sortie.

La pièce de résistance du programme clôt en apothéose le «cycle» de trois symphonies de Mahler monté ce mois-ci par Kent Nagano et l'Orchestre Symphonique de Montréal. C'est la sixième Symphonie. À mon sens, c'est la plus bouleversante de toutes et l'interprétation d'hier soir me la fait aimer encore plus.

Kent Nagano a rejoint là le très haut niveau d'émotion de cet inoubliable soir de 1999 où il faisait ses débuts à l'OSM dans un autre Mahler, la neuvième Symphonie. Cet homme est donc capable des plus grandes choses. On en doute parfois.

Avec l'exécution de la reprise au premier mouvement (soit toute l'exposition, qui fait 20 pages), la Sixième de Nagano totalise 87 minutes. L'orchestre augmenté à plus de 100 musiciens remplit complètement la scène, les percussions formant à elles seules une sorte de second orchestre, au fond.

Nagano redonne son vrai caractère à chacun des quatre mouvements. L'Allegro initial est «energico», mais sans précipitation. Le Scherzo est, comme il se doit, cinglant, à la fois dans les timbres et dans l'accentuation (et jusque dans le «grazioso» du Trio central!). L'Andante apporte ensuite un calme bienfaisant à cette folle caricature. Puis, c'est le Finale, qui nous plonge en plein délire.

Trois points de controverse sont associés à l'oeuvre: a) le titre de Tragique; b) l'ordre des deux mouvements médians; c) le fameux troisième coup de massue au finale. Le mot Tragique figure dans le programme. Nagano joue le Scherzo avant l'Andante, pour de justes raisons d'équilibre. Jusqu'à son omission du troisième coup de massue qui convainc: Mahler a tout dit avec les deux premiers coups!

Avant l'entracte, l'orchestre est réduit à une trentaine de musiciens pour l'encadrement du Concerto pour piano en ré majeur de Haydn joué par Emanuel Ax. La queue du piano fait face à la salle, le pianiste aussi, forcément, et le couvercle de l'instrument est enlevé pour des raisons évidentes. On avait trouvé curieux qu'un pianiste aussi important soit invité à jouer un concerto qui compte peu dans le répertoire. Le pianiste de 61 ans en fait un petit chef-d'oeuvre de raffinement sonore et assortit chacun des trois mouvements d'une cadence non identifiée.

Le Webern d'entrée ajoute 12 minutes à la soirée et, dans les circonstances, aurait pu être omis. Mais cette page de jeunesse est un morceau d'atmosphère que Nagano livre tout en finesse et demi-teintes.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Emanuel Ax, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Reprise ce soir, 20 h. Série «Grands Concerts».

Programme:

Im Sommerwind, idylle pour grand orchestre (1904) - Webern

Concerto pour piano et orchestre en ré majeur, Hob. XVIII :11 (1765-66) - Haydn

Symphonie no 6, en la mineur (1903-04) - Mahler