Ancien partenaire du violoncelliste Pieter Wispelwey, avec lequel il s'est déjà produit au LMMC, le pianiste yougoslave Dejan Lazic fait maintenant cavalier seul. Il s'était présenté en récital au même LMMC en 2004 et y revenait hier.

Le premier récital de Dejan Lazic (le nom se prononce «déïan lazitch») m'avait inspiré cet absolu, «pianiste de premier plan», qui correspond encore et très exactement à ce que j'ai entendu hier. On oublie vite que l'homme de 33 ans à l'allure de garçon s'est présenté en simple chemise noire. Le programme débute par un groupe de quatre petites sonates de Scarlatti totalisant 16 minutes. Lazic ne cherche pas à y imiter le clavecin. Il joue ces pièces au piano et les joue en langage pianistique, avec des dynamiques et des rubatos impossibles à obtenir au clavecin. Cela n'est pas «authentique» mais néanmoins très beau, raffiné et intelligent.

Comme en 2004, Lazic joue une sonate de Beethoven. Après l'ultime et redoutable op. 111, c'est, cette fois, la plus connue, cette Clair de lune que personne n'ose plus jouer. Lazic ose et il fait bien. Dans la salle, l'écoute de cette musique connue de tous est particulièrement attentive: on est curieux de savoir ce que le pianiste va en faire et on est fasciné par la fraîcheur de l'approche, où tout mène au déchaînement du très long mouvement final secoué de violentes basses. Le dernier accord fait presque tomber le pianiste à la renverse.

Les Waldszenen de Schumann - ces délicates Scènes de la forêt - découvrent Lazic poète et peintre. Là comme dans le Beethoven, chaque petit tableau est revisité. Par exemple, la sonorité s'assombrit pour Verrufene Stelle (Lieu maudit) et s'illumine tout de suite après pour Freundliche Landschaft (Paysage accueillant).

La très longue et dernière Sonate en si bémol, D. 960, de Schubert monopolise l'après-entracte. Lazic fait la substantielle reprise controversée au premier mouvement, donne à l'Andante l'allure d'un suspense, prend le Scherzo un rien trop vite et ne fait pas oublier les joliesses du finale. Assorti du téléphone cellulaire d'un auditeur, ce Schubert imparfait reste imposant et suffit : le pianiste fait bien comprendre qu'il ne donnera pas de rappel et il n'en donne pas.

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DEJAN LAZIC, pianiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation : Ladies' Morning Musical Club. Programme : Sonates Kk. 9, en ré mineur; 430, en ré majeur; 380, en mi majeur; 135, en mi majeur - D. Scarlatti Sonate no 14, en do dièse mineur, op. 27 no 2 (Clair de lune) (1801) - Beethoven Waldszenen, op. 82 (1848-49) - Schumann Sonate no 21, en si bémol majeur, D. 960 (1828) - Schubert