Quelle soirée de bonheur, après le chapelet de concerts insignifiants des derniers jours!

Au lieu d'attendre des semaines pour nous présenter le grand gagnant du Concours OSM, comme c'était précédemment l'habitude, la direction le place dans un concert dès la fin de la compétition. C'est ainsi que nous avons pu écouter hier soir le très jeune Timothy Chooi, violoniste de 16 ans de la Colombie-Britannique devenu le talk of the town depuis l'obtention de son prix.

Un journal rapportait que l'un des membres du jury avait pleuré en l'écoutant. J'en ai fait autant pendant qu'il jouait le Concerto de Sibelius... et je ne suis pas le seul à avoir été à ce point bouleversé.

Le Sibelius est depuis quelques années une sorte de premier choix dans les concours de violon. Le phénomène tient au fait que la partition de quelque 35 minutes sollicite le soliste presque sans répit non seulement aux plans technique et musical mais encore au plan expressif. On le sait, la partie de violon est excessivement difficile et l'instrument doit dialoguer avec l'orchestre à différents niveaux. Ce qui fait de ce concerto un parfait véhicule de concours. En même temps, on dirait qu'en cette époque trouble qui est la nôtre, le très dense Sibelius nous rapproche d'un monde meilleur que celui où nous vivons.

Très rares sont les violonistes capables, à la fois, d'en surmonter toutes les embûches, d'y maintenir une grande sonorité de violon et d'en sonder toute la profondeur. Ceux qui parviennent à cet absolu ont habituellement bien des années de carrière derrière eux. Cet absolu, Timothy Chooi l'a atteint... à 16 ans. J'ose le dire: ce que nous avons entendu hier soir tient du miracle. On oubliera deux ou trois très petites imprécisions au suraigu, mais on tiendra compte du commentaire orchestral de Jean-François Rivest, qui a visiblement inspiré le jeune soliste.

De retour devant cet OSM où il fut simple violoniste puis chef en résidence, Rivest a rappelé qu'il avait été lauréat du même concours. En début de concert, sa très puissante ouverture de Tannhäuser mit bien en parallèle le mysticisme et la frivolité du sujet. Toujours en plein contrôle de son «ancien» orchestre, il anima, après l'entracte, la très belle huitième Symphonie de Dvorak d'un lyrisme et d'un dramatisme irrésistibles. Si seulement M. Oundjian et son Toronto Symphony nous avaient donné la moitié de cela dimanche dernier...

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Jean-François Rivest. Soliste: Timothy Chooi, violoniste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Air Canada».

Programme:

Ouverture de l'opéra Tannhäuser (1845) - Wagner

Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47 (1903-05) - Sibelius

Symphonie no 8, en sol majeur, op. 88, B. 163 (1889) - Dvorak