Quelques occasionnelles fluctuations n'ont rien changé: la voix de Renée Fleming continue de me laisser indifférent et sa façon de chanter, de m'irriter. À ce double problème s'ajoutait hier soir le poids d'un programme incroyablement monotone qu'illuminaient ici et là quelques très rares pièces.

Accueillie par une foule de 2400 personnes, la blonde chanteuse américaine - 52 ans à la prochaine Saint-Valentin - ouvre son récital avec quatre extraits d'un recueil écrit pour elle par le pianiste de jazz Brad Mehldau sur des textes de Rilke. Seize minutes de n'importe quoi, comme de la mauvaise improvisation. Le programme donne heureusement les textes et certains sont fort beaux.

De son cher Richard Strauss, la chanteuse semble s'être efforcée de puiser aux lieder les moins connus et les moins attachants. Au mieux, elle y offre une piètre imitation de Schwarzkopf. La note tenue à la fin du deuxième est cependant remarquable.

L'entracte vient au bout de 30 minutes, puis la chanteuse apparaît dans une robe d'un rouge éclatant et s'engage dans trois ennuyeux lieder de Korngold. On se retrouve en territoire familier avec trois mélodies de Duparc. Pas tout à fait: la chanteuse se trompe à la fin de la Chanson triste. Pire: sans doute pour «remplir» la salle trop grande, elle dramatise cette musique comme si elle était à l'opéra et lui retire ainsi son caractère intime.

De l'opéra, en voici justement. La chanteuse prend le micro et amuse l'auditoire en parlant - en français seulement - des deux Bohème, celle de Puccini et celle, beaucoup moins connue et bien inférieure, de Leoncavallo, avant de chanter des extraits des deux ouvrages. L'extrait de Puccini est bien rendu au départ. Le problème, c'est que la chanteuse surcharge. Un peu de retenue produirait tellement plus d'effet...

On oublie la pièce très quelconque de Zandonai et on passe aux rappels. La chanteuse en donnera quatre. «O mio babbino caro», de Gianni Schicchi, de Puccini, beau mais ralenti à l'extrême, Zueignung de Strauss, Summertime de Gershwin et, de Strauss encore, Morgen!.

Ces deux Strauss comptent parmi ce que le compositeur a signé de plus beau et inspirent manifestement la chanteuse qui, après bientôt deux heures d'errance, semble avoir trouvé une sorte de stabilité. La voix est enfin conduite avec art. Je dirais même qu'elle est devenue belle. Après deux heures...

J'allais oublier le pianiste. Excellent. Et j'ajouterais: patient.

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RENÉE FLEMING, soprano. Au piano: Hartmut Höll. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série classique de la PdA.