Pendant que l'Opéra de Montréal croit attirer un nouveau public en lui offrant un Werther honteusement défiguré, McGill propose une Bohème à la fois traditionnelle, stylisée, de budget modeste, réussie au plan musical et extrêmement émouvante, une Bohème qui, à la première hier soir, affichait déjà «complet» (ou presque) pour les quatre représentations.

Ce nouveau public qu'on veut amener à l'opéra, il était là. En effet, les jeunes formaient au moins la moitié de l'assistance de 600 personnes. Mieux encore: on les sentait captivés par cette histoire d'amour, l'une des plus tristes du répertoire lyrique, reprise simplement, sans gratuite «modernisation».

Patrick Hansen, le «patron» de l'opéra à McGill, s'était réservé la mise en scène. Le nom étant associé à quelques amères expériences passées, j'appréhendais le pire. Dieu soit loué: M. Hansen a restitué l'oeuvre telle que Puccini l'a conçue et telle qu'on l'a toujours connue. (Que partout dans ses notes M. Hansen écrive «Murget» au lieu de «Murger» a cependant de quoi étonner...)

Au milieu de la scène est planté l'unique et très joli décor transformable derrière lequel on aperçoit une partie de l'orchestre de 50 musiciens, le chef Julian Wachner et les chanteurs communicant par des moniteurs, semble-t-il. Les costumes des personnages principaux sont simples et d'époque; ceux de la joyeuse foule du Café Momus, qui traverse deux fois la salle, sont innombrables et multicolores.

Comme toujours, McGill a préparé deux distributions. Celle d'hier soir (qui revient samedi) est dominée par la Mimi à la voix généreuse et à l'émotion vraie de Véronique Coutu. (Mme Fleming, mardi soir, n'avait pas le quart de cette sincérité dans l'air du troisième acte!) Deux autres sujets à signaler: Philippe Sly et Gordon Bintner. Chez l'un et l'autre: voix graves conduites avec souplesse et jeu très naturel. Je tairai le nom de l'étudiant qui hurle le rôle de Rodolfo d'une voix exécrable et semble ne se rendre compte de rien. (Une idée, en passant : le programme devrait donner les noms des professeurs des sujets entendus... pour le meilleur et pour le pire.)

Malgré quelques faiblesses, le spectacle possède beaucoup d'unité aux plans musical, dramatique et scénique, les frasques des quatre artistes de la mansarde n'ont pas vieilli et, sommet de la soirée, les derniers instants de Mimi arrachent les larmes en faisant se confondre la scène presque immobile et l'orchestre presque silencieux.

LA BOHÈME, opéra en quatre actes, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d'après Murger, musique de Giacomo Puccini (1896).

Production: Atelier d'opéra de l'Université McGill.  Pollack Hall de McGill. Première hier soir. Reprises demain et samedi, 19 h 30, et dimanche, 14 h 30. Avec surtitres français et anglais.

Mise en scène: Patrick Hansen. Décors: Vincent Lefèvre. Costumes: Ginette Grenier. Éclairages: Serge Filiatrault. Orchestre symphonique et Choeurs de McGill, dir. Julian Wachner.